Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/50

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cet homme, instruit à l'école de tant de maîtres, et abreuvé de ces sources intarissables d'instruction qu'il était allé chercher dans tout l'univers ; cet homme, doué d'un génie essentiellement supérieur, d'une âme dont la portée s'élevait au dessus de l'humaine nature ; cet homme à qui la philosophie doit son existence et son nom ; cet homme, enfin, recommandait avant tout à ses disciples de garder le silence. Chez lui, un exercice devait précéder toute pratique de la sagesse : c'était de maîtriser absolument sa langue, de retenir ces paroles que les poètes appellent volantes, de leur couper les ailes et de les emprisonner derrière le rempart d'ivoire que forment les dents. A ses yeux, dis-je, le premier élément de toute sagesse, c'était d'apprendre à méditer, de désapprendre à babiller. Ce n'était cependant pas pour la vie entière qu'on se déshabituait de l'usage de la parole ; et l'ordre du maître n'obligeait pas les disciples à rester muets tous pendant un temps égal. Les hommes plus graves semblaient avoir suffisamment payé leur tribut au silence par une épreuve de courte durée : c'étaient les plus parleurs qui étaient punis quelquefois durant cinq années de cette espèce d'exil de la voix. Or, notre chef Platon, rigoureusement fidèle à cette règle, se rallie par l'ensemble de sa morale à l'école de Pythagore ; et moi-même pareillement, qui ai été accueilli par mes maîtres sous le patronage de Platon, j'ai appris, dans l'exercice académique, aussi bien à parler sans relâche quand