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NOTES DES FLORIDES

le sens de imprévoyant, mais celui de gras, que les soucis ne font pas maigrir ; et il s’appuie d’une citation de Plaute, Aulul., acte III, sc. vi, v. 26. C’est étayer bien mal à propos d’une érudition inutile un sens très-peu naturel. Ajoutons que dans le passage de Plaute le mot curiosus, sur lequel s’appuie le Commentateur, est repoussé par les meilleures éditions, Voyez le Plaute de M. Naudet, vol. I, p. 299, coll. Lemaire.

P. 12, l. 3. Hyagnis fut, à ce que nous apprennent les traditions, etc. Ce fragment fort curieux nous semble, d’un bout à l’autre, une allusion constante au rôle que jouent dans l’Apologie Apulée et son accusateur Émilianus. Il serait, par exemple, difficile de ne pas reconnaître ce dernier dans cette esquisse : « C’était un Phrygien, un barbare ; sa face repoussante… etc. C’était Thersite le disputant à Nirée, un rustre à un savant… Il commença par débiter en un jargon barbare une foule d’impertinences… » Rien ne ressemble davantage aux traits qui caractérisent personnellement Émilianus dans plusieurs endroits de l’Apologie, comme, par exemple : « Émilianus est un homme qui dépasse les bouviers et les pâtres de Virgile en fait de grossièreté (Apolog. Plus loin, p. 388. Dauph., p. 416…) On lui a donné deux sobriquets : celui de Caron, à cause de sa figure et de son âme infernale ; puis, à cause de son mépris pour les dieux, un autre qu’il entend répéter plus volontiers, celui de Mézence. » (Apolog. Plus loin, p. 462, Dauph., p. 497…) Ici donc encore, comme tout à l’heure, il est permis de s’autoriser d’une telle ressemblance pour indiquer et le but et la date de ce fragment. Lorsque Apulée eut abandonné la ville d’Œa, où des hommages flatteurs ne pouvaient compenser les dégoûts dont il venait d’être abreuvé par d’indignes calomnies et par une accusation scandaleuse, il alla se fixer à Carthage, l’école de son enfance. Là, bientôt, « une foule nombreuse se pressa pour l’entendre, soit au barreau, soit à ses brillantes leçons, où il abordait, comme en se jouant, les exercices les plus difficiles de la rhétorique et les formes les plus variées de l’improvisation » (Notice biographique, en tête du Ier volume). Il est assez naturel de supposer qu’il ne résista pas au plaisir de tracer un tableau allégorique de la victoire qu’il avait remportée sur ses ennemis, et d’en faire le sujet d’un de ses exercices journaliers. Émilianus devint le satyre Marsias ; l’orateur devint Apollon, « possédant une égale facilité dans la prose et dans les vers. » Apulée était donc à ce moment fixé à Carthage ; il avait environ trente-quatre ans ; et c’était en 148