Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

défendant. La première est qu’il assure que Vasquez n’oblige point les riches de donner de ce qui est nécessaire à leur condition. Il est bien aisé de vous répondre sur ce point : car il n’y a qu’à vous dire nettement que cela est faux, et qu’il a dit tout le contraire. Il n’en faut point d’autre preuve que le passage même que vous produisez trois lignes après, où il rapporte que Vasquez « oblige les riches de donner du nécessaire en certaines occasions. »

Votre dernière plainte n’est pas moins déraisonnable. En voici le sujet. L’auteur des Lettres a repris deux décisions dans la doctrine de Vasquez : l’une, « que les riches ne sont point obligés, ni par justice, ni par charité, de donner de leur superflu, et encore moins du nécessaire dans tous les besoins ordinaires des pauvres ; » l’autre, « qu’ils ne sont obligés de donner du nécessaire qu’en des rencontres si rares, qu’elles n’arrivent presque jamais. » Vous n’aviez rien à répondre sur la première de ces décisions, qui est la plus méchante. Que faites-vous là-dessus ? Vous les joignez ensemble ; et, apportant quelque mauvaise défaite sur la dernière, vous voulez faire croire que vous avez répondu sur toutes les deux. Ainsi, pour démêler ce que vous voulez embarrasser à dessein, je vous demande à vous-même s’il n’est pas vrai que Vasquez enseigne que les riches ne sont jamais obligés de donner ni du superflu, ni du nécessaire, ni par charité, ni par justice, dans les nécessités ordinaires des pauvres ? L’auteur des Lettres ne l’a-t-il pas prouvé par ce passage formel de Vasquez : « Corduba enseigne que, lorsqu’on a du superflu, on est obligé d’en donner à ceux qui sont dans une nécessité ordinaire, au moins une partie, afin d’accomplir le précepte en quelque chose ? » (Remarquez qu’il ne s’agit point en cet endroit si on y est obligé par justice ou par charité, mais si on y est obligé absolument.) Voyons donc quelle sera la décision de votre Vasquez. « Mais cela ne me plaît pas, sed hoc non placet ; car nous avons montré le contraire contre Cajetan et Navarre. » Voilà à quoi vous ne répondez point, laissant ainsi vos jésuites convaincus d’une erreur si contraire à l’Évangile.

Et quant à la seconda décision de Vasquez, qui est que les riches ne sont obligés de donner du nécessaire à leur condition qu’en des rencontres si rares, qu’elles n’arrivent presque jamais, l’auteur des Lettres ne l’a pas moins clairement prouvé par l’assemblage des conditions que ce jésuite demande pour former cette obligation : savoir, « que l’on sache que le pauvre qui est dans la nécessité urgente ne sera assisté de personne que de nous ; et que cette nécessité le menace de quelque accident mortel, ou de perdre sa réputation. » Il a demandé sur cela si ces rencontres étoient fort ordinaires dans Paris ; et enfin il a pressé les jésuites par cet argument : que Vasquez permettant aux pauvres de voler les riches dans les mêmes circonstances où il oblige les riches d’assister les pauvres, il faut qu’il ait cru, ou que ces occasions étoient fort rares, ou qu’il étoit ordinairement permis de voler. Qu’avez-vous répondu à cela, monsieur ? Vous avez dissimulé toutes ces preuves, et vous vous êtes contenté de rapporter trois passages de Vasquez, où il dit dans les deux premiers que les riches sont obligés d’assister les pauvres dans les nécessités urgentes, ce que l’auteur des Lettres reconnoît expressément ;