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iii
AVERTISSEMENT.

méthode mathématique ; le fond de sa pensée c’est qu’elle est absolument incapable d’aucune application utile ; et dès lors elle n’est pour lui qu’une sorte d’exercice violent de l’esprit, un moyen d’échapper pour quelques instants à des douleurs incessantes, à des préoccupations plus terribles encore. C’est là une circonstance particulière qui seule peut expliquer ce qu’il y a de décousu dans les travaux de Pascal, et le caractère absolument spéculatif qu’ils présentent.

Ces travaux renferment du reste des résultats d’une grande importance, résultats, il est vrai, devenus aujourd’hui presque vulgaires par leur célébrité même, mais dont la finesse et l’élégance ne gardent pas moins tout leur intérêt, augmenté encore par le charme d’une exposition si nette, si précise et si simple, qu’elle est restée absolument intacte pour tous ceux des travaux de Pascal qui sont maintenant entrés dans l’enseignement élémentaire.

Pascal a successivement abordé trois parties de la science : la théorie des nombres et le calcul des probabilités, la géométrie infinitésimale, et la théorie des sections coniques ; et sur chacun de ces points il a laissé des traces ineffaçables de son génie. C’est probablement par l’étude des sections coniques qu’il a débuté dans la science ; mais il ne nous reste malheureusement de son grand Traité sur les coniques qu’une courte notice de Leibnitz et un fragment de quelques pages où se trouve le fameux théorème sur l’hexagone inscrit. Ce théorème consistant dans une propriété de six points quelconques pris sur une conique, on conçoit que, puisque cinq points suffisent à déterminer la courbe, il peut servir à la décrire, et la définit complètement. De là la possibilité de ce fait rapporté par le P.  Mersenne : « qu’un seul théorème fournissait plus de quatre cents corollaires. » Toute propriété caractéristique peut ainsi remplacer l’équation de Descartes. Le traité, dans son ensemble, paraît avoir été fondé sur une méthode dont l’idée première appartenait à Desargues, la méthode perspective.

Les propriétés des nombres semblent avoir été l’étude favorite de Pascal, et les différents traités qu’il a laissés à ce sujet forment la majeure partie de ses œuvres. Rien n’est plus connu que le fameux triangle arithmétique, mais, ce qui l’est beaucoup moins, c’est que c’est dans Pascal qu’on trouve pour la première fois la théorie complète de la divisibilité ; et même, quant au triangle arithmétique, maintenant que son emploi a été restreint à un fort petit nombre d’usages, on imaginerait difficilement toutes les différentes applications que lui avait trouvées son auteur. Non-seulement il l’avait appliqué à toutes les questions de combinaisons qui paraissent sa destination naturelle, mais il en fit usage dans la résolution de problèmes relatifs aux chances et fut ainsi un des