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Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/259

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d’erreurs, d’égaremens et d’extravagances, qu’il n’y trouve rien encore qui le puisse satisfaire.

Enfin il lui fait jeter les yeux sur le peuple juif ; et il lui en fait observer des circonstances si extraordinaires, qu’il attire facilement son attention. Après lui avoir représenté tout ce que ce peuple a de singulier, il s’arrête particulièrement à lui faire remarquer un livre unique par lequel il se gouverne, et qui comprend tout ensemble son histoire, sa loi et sa religion. A peine a-t-il ouvert ce livre, qu’il y apprend que le monde est l’ouvrage d’un Dieu, et que c’est ce même Dieu qui a créé l’homme à son image, et qui l’a doué de tous les avantages du corps et de l’esprit qui convenoient à cet état. Quoiqu’il n’ait rien encore qui le convainque de cette vérité, elle ne laisse pas de lui plaire ; et la raison seule suffit pour lui faire trouver plus de vraisemblance dans cette supposition, qu’un Dieu est l’auteur des hommes et de tout ce qu’il y a dans l’univers, que dans tout ce que ces mêmes hommes se sont imaginé par leurs propres lumières. Ce qui l’arrête en cet endroit est de voir, par la peinture qu’on lui a faite de l’homme, qu’il est bien éloigné de posséder tous ces avantages qu’il a dû avoir lorsqu’il est sorti des mains de son auteur ; mais il ne demeure pas longtemps dans le doute ; car dès qu’il poursuit la lecture de ce même livre, il y trouve qu’après que l’homme eut été créé de Dieu dans l’état d’innocence, et avec toute sorte de perfections, sa première action fut de se révolter contre son créateur, et d’employer à l’offenser tous les avantages qu’il en avoit recus.

Pascal lui fait alors comprendre que ce crime ayant été le plus grand de tous les crimes en toutes ces circonstances, il avoit été puni non-seulement dans ce premier homme, qui, étant déchu par là de son état, tomba tout d’un coup dans la misère, dans la foiblesse, dans l’erreur et dans l’aveuglement, mais encore dans tous ses descendans, à qui ce même homme a communiqué et communiquera encore sa corruption dans toute la suite des temps.

Il lui montre ensuite divers endroits de ce livre où il a découvert cette vérité. Il lui fait prendre garde qu’il n’y est plus parlé de l’homme que par rapport à cet état de foiblesse et de désordre ; qu’il y est dit souvent que toute chair est corrompue, que les hommes sont abandonnés à leurs sens, et qu’ils ont une pente au mal dès leur naissance. Il lui fait voir encore que cette première chute est la source, non-seulement de tout ce qu’il y a de plus incompréhensible dans la nature de l’homme, mais aussi d’une infinité d’effets qui sont hors de lui, et dont la cause lui est inconnue. Enfin il lui représente l’homme si bien dépeint dans tout ce livre, qu’il ne lui paroît plus différent de la première page qu’il lui en a tracée.

Ce n’est pas assez d’avoir fait connoître à cet homme son état plein de misère ; Pascal lui apprend encore qu’il trouvera dans ce même livre de quoi se consoler. Et en effet, il lui fait remarquer qu’il y est dit que le remède est entre les mains de Dieu ; que c’est à lui que nous devons recourir pour avoir les forces qui nous manquent ; qu’il se laissera fléchir, et qu’il enverra même aux hommes un libérateur, qui satisfera pour eux, et qui suppléera à leur impuissance.

Après qu’il lui a expliqué un grand nombre de remarques très-particulières sur le livre de ce peuple, il lui fait encore considérer que c’est le seul qui ait parlé dignement de l’Être souverain, et qui ait donné l’idée d’une véritable religion. Il lui en fait concevoir les marques les plus sensibles qu’il applique à celles que ce livre a enseignées ; et il lui fait faire une attention particulière sur ce qu’elle fait consister l’essence