Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/268

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pas de même ; et enfin qui lui a fait faire plusieurs actions très-remarquables et très-chrétiennes, que je ne rapporte pas ici, de peur d’être trop long, et parce que mon dessein n’est pas d’écrire sa vie, mais seulement de donner quelque idée de sa piété et de sa vertu.




PENSÉES[1]




ARTICLE PREMIER[2].


1.

Disproportion de l’homme[3]. — .... Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté ; qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent ; qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers ; que la terre lui paroisse comme un point, au prix du vaste tour que cet astre décrit ; et qu’il s’étonne de ce que ce vaste tour lui-même n’est qu’un point très délicat à l’égard de celui que les astres qui roulent dans le firmament embrassent. Mais si notre vue s’arrête là, que l’imagination passe outre, elle se lassera plus tôt de concevoir que la nature de fournir. Tout ce monde visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. Nulle idée n’en approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au delà des espaces imaginables : nous n’enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses. C’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée.

Que l’homme, étant revenu à soi, considère ce qu’il est au prix de ce qui est ; qu’il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que, de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix.

Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu’il recherche dans ce qu’il connoît les choses les plus délicates. Qu’un ciron lui offre dans la petitesse de son corps

  1. Nous avons suivi l’excellente édition de M. Ernest Havet qui nous a paru avoir fixé définitivement le texte des Pensées, et nous avons eu constamment son commentaire sous les yeux. Nous avons, à son exemple, publié en dehors des Pensées les morceaux étendus qui font de petits ouvrages, tels que le Traité sur l’Esprit géométrique, dont Bossut avait fait son second et son troisième articles.
  2. Article IV, dans Bossut.
  3. Pascal avait mis d’abord : Incapacité de l’homme. — Nous avons rétabli ces titres tels que les donnent les manuscrits, quoiqu’ils n’aient pas toujours un rapport évident avec les pensées qui les suivent. Notre première raison est qu’ils sont sur le manuscrit, et, en outre, ils servent quelquefois à voir où il tendait par une réflexion dont on ne comprendrait pas la portée, sans ce secours.