Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/362

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servitude du péché, qui règne visiblement dans l’homme ; donner des lois à ce peuple, graver ces lois dans leur cœur, s’offrir à Dieu pour eux, se sacrifier pour eux, être une hostie sans tache, et lui-même sacrificateur : devant s’offrir lui-même, son corps et son sang, et néanmoins offrir pain et vin à Dieu…

… Qu’il devoit venir un libérateur, qui écraseroit la tête au démon, qui devoit délivrer son peuple de ses péchés, ex omnibus iniquitatibus ; qu’il devoit y avoir un Nouveau Testament, qui seroit éternel ; qu’il devoit y avoir une autre prêtrise selon l’ordre de Melchisédech ; que celle-là seroit éternelle ; que le Christ devoit être glorieux, puissant, fort, et néanmoins si misérable qu’il ne seroit pas reconnu ; qu’on ne le prendroit pas pour ce qu’il est ; qu’on le rebuteroit, qu’on le tueroit ; que son peuple, qui l’auroit renié, ne seroit plus son peuple ; que les idolâtres le recevroient, et auroient recours à lui ; qu’il quitterait Sion pour régner au centre de l’idolâtrie ; que néanmoins les juifs subsisteroient toujours ; qu’il devoit être de Juda, et quand il n’y auroit plus de roi.


4.

Perpétuité. — Qu’on considère que, depuis le commencement du monde, l’attente ou l’adoration du Messie subsiste sans interruption ; qu’il s’est trouvé des hommes qui ont dit que Dieu leur avoit révélé qu’il devoit naître un Rédempteur qui sauveroit son peuple ; qu’Abraham est venu ensuite dire qu’il avoit eu révélation qu’il naîtrait de lui par un fils qu’il auroit ; que Jacob a déclaré que, de ses douze enfans, il naîtrait de Juda ; que Moïse et les prophètes sont venus ensuite déclarer le temps et la manière de sa venue ; qu’ils ont dit que la loi qu’ils avoient n’étoit qu’en attendant celle du Messie ; que jusque-là elle seroit perpétuelle, mais que l’autre dureroit éternellement ; qu’ainsi leur loi, ou celle du Messie, dont elle étoit la promesse, seroit toujours sur la terre ; qu’en effet elle a toujours duré ; qu’enfin Jésus-Christ est venu dans toutes les circonstances prédites. Cela est admirable.

Si cela est clairement prédit aux juifs, comment ne l’ont-ils pas cru ? où comment n’ont-ils pas été exterminés, de résister à une chose si claire ?

Je réponds : premièrement, cela a été prédit, et qu’ils ne croiroient point une chose si claire, et qu’ils ne seraient point exterminés. Et rien n’est plus glorieux au Messie ; car il ne suffisoit pas qu’il y eût des prophètes ; il falloit que leurs prophéties fussent conservées sans soupçon. Or, etc.


5.

Les prophètes mêlés de choses particulières, et de celles du Messie, afin que les prophéties du Messie ne fussent pas sans preuves, et que les prophéties particulières ne fussent pas sans fruit.

Non habemus regem nisi Cæsarem[1]. Donc Jésus-Christ étoit le Messie, puisqu’ils n’avoient plus de roi qu’un étranger, et qu’ils n’en vouloient point d’autre.

  1. « Nous n’avons point de roi, si ce n’est César. » Jean, xix, 15.