Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/409

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42.

Les prophéties[1] citées dans l’Évangile, vous croyez qu’elles sont rapportées pour vous faire croire. Non, c’est pour vous éloigner de croire. Les miracles ne servent pas à convertir, mais à condamner.


43.

Quand Épictète auroit vu parfaitement bien le chemin, il dit aux hommes : « Vous en suivez un faux ; » il montre que c’en est un autre, mais il n’y mène pas. C’est celui de vouloir ce que Dieu veut ; Jésus-Christ seul y mène : Via, veritas[2].


44.

Je considère Jésus-Christ en toutes les personnes et en nous-mêmes. Jésus-Christ comme père en son père, Jésus-Christ comme frère en ses frères, Jésus-Christ comme pauvre en les pauvres, Jésus-Christ comme riche en les riches, Jésus-Christ comme docteur et prêtre en les prêtres, Jésus-Christ comme souverain en les princes, etc. Car il est par sa gloire tout ce qu’il y a de grand, étant Dieu, et est par sa vie mortelle tout ce qu’il y a de chétif et d’abject : pour cela il a pris cette malheureuse condition, pour pouvoir être en toutes les personnes, et modèle de toutes conditions.


45.

Différence entre Jésus-Christ et Mahomet. — Les psaumes chantés par toute la terre.

Qui rend témoignage de Mahomet ? Lui-même. Jésus-Christ veut que son témoignage ne soit rien.

La qualité de témoins fait qu’il faut qu’ils soient toujours et partout, et, misérable, il est seul.


46.

Ce n’est pas une chose rare qu’il faille reprendre le monde de trop de docilité ; c’est un vice naturel comme l’incrédulité, et aussi pernicieux. Superstition.


47.

Il y a peu de vrais chrétiens, je dis même pour la foi. Il y en a bien qui croient, mais par superstition ; il y en a bien qui ne croient pas, mais par libertinage : peu sont entre deux.

Je ne comprends pas en cela ceux qui sont dans la véritable piété de mœurs, et tous ceux qui croient par un sentiment du cœur.


48.

Ceux qui n’aiment pas la vérité prennent le prétexte de la contestation de la multitude de ceux qui la nient. Et ainsi leur erreur ne vient que de ce qu’ils n’aiment pas la vérité ou la charité ; et ainsi ils ne sont pas excusés.

  1. Ce passage est précédé dans le manuscrit des lignes suivantes : « Objection. Visiblement l’Écriture pleine de choses non dictées du Saint-Esprit. Réponse. Elles ne nuisent donc pas à la foi. Obj. Mais l’Église a décidé que tout est du Saint-Esprit. Rep. Je réponds deux choses : l’une que l’Église n’a jamais décidé cela ; l’autre que, quand elle l’auroit décidé, cela se pourroit soutenir. »
  2. Jean xiv, 6.