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Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/417

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séricorde, mais de la justice de Dieu, s’ils ne sont ceux de Jésus-Christ. Il a adopté nos péchés, et nous a admis à son alliance ; car les vertus lui sont propres, et les péchés étrangers ; et les vertus nous sont étrangères, et nos péchés nous sont propres.

Changeons la règle que nous avons prise jusqu’ici pour juger de ce qui est bon. Nous en avions pour règle notre volonté, prenons maintenant la volonté de Dieu : tout ce qu’il veut nous est bon et juste, tout ce qu’il ne veut pas nous est mauvais ?

Tout ce que Dieu ne veut pas est défendu. Les péchés sont défendus par la déclaration générale que Dieu a faite qu’il ne les vouloit pas. Les autres choses qu’il a laissées sans défense générale, et qu’on appelle par cette raison permises, ne sont pas néanmoins toujours permises. Car quand Dieu en éloigne quelqu’une de nous, et que par l’événement, qui est une manifestation de la volonté de Dieu, il paroît que Dieu ne veut pas que nous ayons une chose, cela nous est défendu alors comme le péché, puisque la volonté de Dieu est que nous n’ayons non plus l’un que l’autre. Il y a cette différence seule entre ces deux choses, qu’il est sûr que Dieu ne voudra jamais le péché, au lieu qu’il ne l’est pas qu’il ne voudra jamais l’autre. Mais tandis que Dieu ne la veut pas, nous la devons regarder comme péché ; tandis que l’absence de la volonté de Dieu, qui est seule toute la bonté et toute la justice, la rend injuste et mauvaise.


106.

« Je m’en suis réservé sept mille. » J’aime les adorateurs inconnus au monde, et aux prophètes mêmes.

107.

Les hommes n’ayant pas accoutumé de former le mérite, mais seulement le récompenser où ils le trouvent formé, jugent de Dieu par eux-mêmes.


108.

Ordre. — J’aurois bien pris ce discours d’ordre comme celui-ci : pour montrer la vanité de toutes sortes de conditions, montrer la vanité des vies communes, et puis la vanité des vies philosophiques (pyrrhoniennes, stoïques) ; mais l’ordre ne seroit pas gardé. Je sais un peu ce que c’est, et combien peu de gens l’entendent. Nulle science humaine ne le peut garder. Saint Thomas ne l’a pas gardé. La mathématique le garde, mais elle est inutile en sa profondeur[1].


109.

Ordre par dialogues. — Que dois-je faire ? Je ne vois partout qu’obscurités. Croirai-je que je ne suis rien ? croirai-je que je suis Dieu ?

Toutes choses changent et se succèdent. — Vous vous trompez, il y a.


110.

… Une lettre, de la folie de la science humaine et de la philosophie. Cette lettre avant le divertissement.

  1. On lit, p. 29 du manuscrit, cet autre fragment : « Lettre pour porter à rechercher Dieu. Et puis le faire chercher chez les philosophes, pyrrhoniens et dogmatistes, qui travaillent celui qui le recherchent. »