Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol2.djvu/100

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l’homme a toujours le pouvoir de pécher, afin de reconnoître sincèrement qu’il n’est pas privé du libre arbitre. »

Aussi saint Augustin, se plaignant de cette erreur qu’on lui impose, répond : « Qui est celui d’entre nous qui ait jamais dit que le libre arbitre soit péri dans les hommes par la chute du premier homme ? Il est bien vrai que la liberté est périe par le péché ; mais c’est celle qui régnoit dans le paradis terrestre. » Et saint Prosper : a C’est errer de dire que le libre arbitre n’est rien, ou qu’il n’est point. »

Saint Augustin, pour montrer qu’il ne nie pas la liberté, quand il soutient la grâce : « C’est, dit-il, une impertinence insupportable à nos ennemis de dire que, par cette grâce que nous défendons, on ne laisse rien à la liberté de la volonté. » Et ailleurs : « Car le libre arbitre n’est point ôté, parce qu’il est secouru ; mais au contraire il est secouru, parce qu’il n’est pas ôté. » Et dans le livre De l’esprit et de la lettre (chap. xxix) : « Est-ce que nous ruinons le libre arbitre par la grâce ? qu’ainsi ne soit, mais au contraire nous l’établissons par là. Car le libre arbitre n’est pas anéanti, mais établi par la grâce, de même que la loi par la foi. » Et saint Prosper, sur le même sujet, en l’Épître à Démétriade : « Faudra-t -il craindre qu’il ne semble que nous ôtons le libre arbitre, quand nous disons que toutes les choses par lesquelles on se rend Dieu favorable, doivent lui être attribuées ? »

En rapportant les paroles des pélagiens, par lesquelles ils vouloient se distinguer d’avec lui : « Les pélagiens, dit saint Augustin, pensent savoir quelque chose de bien important, quand ils disent que Dieu ne commanderoit pas les choses qu’il sauroit que les hommes ne pourroient observer. Qui ne le sait ? » Et ailleurs : « Ils pensent nous opposer une chose bien pressante, quand ils disent que nous ne péchons pas si nous ne le voulons, et que Dieu ne commanderoit pas ce qui seroit impossible à la volonté de l’homme ; comme s’il y avoit quelqu’un parmi nous qui l’ignorât ! »

Saint Jérôme a eu pareillement à se défendre des mêmes argumens des mêmes hérétiques, « Vous nous objectez que Dieu a commandé des choses possibles : qui le nie ? Vous avez accoutumé de nous dire : ou les commandemens sont possibles, et alors il est juste qu’ils soient donnés ; ou impossibles, et alors l’infraction ne doit pas en être imputée comme un péché à ceux qui les ont reçus, mais à Dieu qui les a donnés. » Et saint Augustin : « Cela n’est point véritable ; vous vous trompez grossièrement vous-mêmes, ou vous essayez de surprendre et de tromper les autres : nous ne nions point le libre arbitre. »

Il seroit inutile de rapporter plus de preuves d’une vérité si claire, que les défenseurs de la grâce étoient sans cesse attaqués de ces reproches, qu’ils nioient le libre arbitre, et qu’ils soutenoient que les commandemens sont impossibles absolument, et que les hommes sont dans une nécessité invincible de pécher, ce qui est l’erreur des luthériens : après quoi il n’y a rien de plus évident que l’obligation qu’ils avoient de réfuter ces erreurs aussi bien que les Pères du concile, puisque encore qu’ils n’eussent pas d’hérétiques qui les soutinssent, ils en avoient qui les leur imputoient avec tant d’assurance. Mais afin de confirmer invin-