Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol2.djvu/109

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l’autre, qu’ils n’ont pas le pouvoir de persévérer quand ils n’ont pas la grâce.

Canon 18. « Si quelqu’un dit que l’observation des préceptes est impossible à un homme qui est justifié et qui est coust tiié sou5 la grâce, qu’il soit anathème. »

Canon 21. « Si quelqu’un dit que le juste ait le pouvoir de persévérer sans un secours spécial de Dieu, ou qu’il ne le puisse avec ce secours, qu’il soit anathème. »

Voilà deux décisions, dont l’une arrête les conséquences de l’autre, et qui ne peuvent ensemble qu’instruire solidement les fidèles, puisque faisant dépendre le pouvoir ou l’impuissance d’observer les préceptes, non pas de la capacité ou de l’incapacité naturelle des hommes, mais de la présence ou de l’absence de la grâce, le concile n’a ni trop élevé la nature avec les pélagiens. ni trop abaissé la nature avec les luthériens, mais établi le vrai règne de la grâce dans les âmes, comme doivent faire les vrais chrétiens. Elles ne font que confirmer ce que les Pères avoient établi depuis tant de siècles par ces saintes maximes :

« Si Deus miseretur, etiam volumus ; si Deus tangit cor, homo praeparat cor ; si audisset et didicisset a patre, veniret. » (De praedest. sanctor., cap. VIII.)

« Quando Deus docet non per legis litteram, sed per Spiritus gratiam, ita docet, ut quod quisque didicerit non tantum cognoscendo videat, sed etiam volendo appetat, agendoque perficiat. » (De grat. Ch., cap. xiv.)

« Quum vero dat incrementum Deus, sine dubio credit et proficit. » (Lib. II, Oper.imperf., note 157.)

« Tune ergo efficimur vere liberi, quum Deus nos fingit, id est, a format et créât, non ut homines, quod jarn fecit ; sed ut boni homines simus, quod nunc sua gratia facit. »

Toutes ces expressions des Pères, auxquelles le concile a rendu ses décisions conformes, nous montrent donc manifestement que les justes peuvent accomplir les préceptes avec la grâce, et non pas sans la grâce ; qu’ils le peuvent, s’ils ont la grâce, et non pas s’ils n’ont pas la grâce ; qu’ils le peuvent quand ils ont la grâce, et non pas quand ils n’ont pas la grâce.

Il y avoit lieu d’espérer qu’une si sainte doctrine étoufferoit pour jamais les erreurs opposées de Luther et de Pélage, et toutes celles qui pouvoient en naître, en retenant quelque chose de leur esprit ; et néanmoins il est arrivé que ceux qui ont résolu d’établir, comme un article inviolable de la foi, que tous les justes ont toujours le plein pouvoir d’accomplir les commandemens, n’ont pas été retenus par des condamnations si manifestes : ils les ont éludées par un artifice ridicule, et qu’il faut mettre en évidence, pour en découvrir toute la malice et l’exposer au jugement des fidèles. Voici leur fondement.

Le concile, disent-ils, décide bien, à la vérité, que les justes n’ont pas le pouvoir de persévérer sans la grâce ; mais il ne dit pas, à ce qu’ils prétendent, que cette grâce manque jamais aux justes. Et sur le défaut de cette expression, ils ont pris sujet d’établir cette doctrine, que cette