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LETTRES PARISIENNES (1844).

de Chastenay, de madame la duchesse de Liancourt, de madame la duchesse de Rauzan, de madame la vicomtesse de Noailles ; et puis dix autres que les gens d’esprit connaissent bien aussi : le salon de madame d’Aguesseau, celui de sa nièce, madame de la Grange ; le salon de madame Philippe de Ségur ; de sa sœur, madame Alexandre de Girardin ; le salon de madame de Podenas, de madame d’Osmond, de madame de Nansouty, de madame de Rémusat, de madame de Virieu, de madame la comtesse Merlin, et enfin le salon de madame Dosne, qui était déjà le rendez-vous de nos artistes célèbres et des hommes éminents du parti libéral avant d’être l’asile ou l’arsenal peut-être de nos hommes politiques mécontents et désenchantés. Et remarquez bien que je ne cite point le salon des bas bleus accusés de littérature, que je ne parle pas des salons étrangers, et que je ne compte ni celui de madame la princesse de Lieven, ni celui de madame la princesse Belgiojoso, de madame Swetchine ; que j’oublie aussi volontairement les salons étranges, où la conversation, très-accentuée, n’en est pas moins, c’est-à-dire n’en est que plus amusante… Certes, quand je dis : Il y en a vingt, je n’exagère pas.

Et comment la conversation ne serait-elle pas facile et agréable avec tant de sujets divers pour exercer un même esprit, avec tant d’esprits différents pour traiter un même sujet ? — Mais, s’écrient les causeurs d’autrefois, les clubs ont tué la conversation ! — Les clubs !… au contraire, ils l’ont sauvée : elle revit depuis leur fondation. Ce qui l’avait tuée, c’était l’abondance des relations insignifiantes. L’habitude que l’on a prise depuis quelques années de prier trois cents personnes pour la moindre fête a multiplié les relations à tel point que, dans nos salons, les indifférents avaient chassé les amis. Les causeries intimes étaient sans cesse interrompues par des visites d’apparat. La vie parisienne se compose de six mois au plus ; or trois cents personnes qui veulent être polies deux fois en six mois et qui viennent vous remercier successivement d’un bal et d’un concert, cela fait en moyenne deux ennuyeux par soirée. Il y avait là de quoi disperser tous vos habitués amusants ; car il suffit de l’apparition d’un visage inconnu pour glacer à l’instant même la conversation la plus animée. Et puis