conversation est mort en France. Pour les gens de talent, être en négligé, c’est être en grande parure, le sans façon de l’esprit ressemble à ce que serait le laisser aller de l’avare qui oublierait de cacher ses trésors ; et jamais à aucune époque la société française n’a possédé une collection plus complète et plus agréablement variée de conteurs intéressants et de causeurs spirituels. — Il n’y a plus de salons, dit-on : et alors on cite ce qu’était autrefois le salon de madame de Staël, ce qu’ont été depuis ceux de madame la duchesse de Duras, de madame de Montcalm, de madame la duchesse de Broglie, et l’on ajoute avec des airs d’élégie : — Aujourd’hui il n’y en a plus un seul !
— Voulez-vous savoir pourquoi il n’y en a plus un seul ? c’est qu’il y en a vingt ; l’influence s’est éparpillée, mais elle n’en est pas moins réelle, et c’est parce que l’on cause un peu partout que vous prétendez que l’on ne cause plus nulle part.
— Vous osez dire qu’il y a vingt salons influents à Paris où l’on sache causer ? Nommez-les, je vous en défie !
— Les voilà, je cite au hasard. Le salon de madame Récamier, celui de madame de Lamartine, de madame Victor Hugo.
— Ah ! mais ceux-là sont célèbres…
— Ce n’est pas une raison pour les oublier.
— D’ailleurs, cela n’en fait encore que trois.
— Je continue. Le salon de madame de Boigne, de madame de Castellane.
— Ceux-là sont des salons politiques…
— Eh bien, ce n’est pas non plus une raison pour qu’ils soient sans influence… Je poursuis. Le salon de madame de Courbonne.
— Celui-là est un salon diplomatique.
— Eh ! ce n’est pas non plus une raison pour qu’il soit sans importance… Le salon de madame…
— Vous commencez à chercher les noms, qui deviennent rares.
— Au contraire, je n’ai que l’embarras du choix. Voici cinq salons que je voudrais pouvoir vous nommer chacun le premier : le salon de madame la duchesse de Maillé, de madame