Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 1.djvu/374

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Je ne veux point survivre à la saison de plaire,
Et voir me blonds cheveux de neige se couvrir.
Sans enfants à bénir, le vieillesse est amère.
Oh ! ma sœur, laisse-moi mourir !

Je ne veux pas survivre à mes chants de poëte,
Gloire que ton orgueil me faisait tant chérir.
Mes yeux sont dessillés, et ma lyre est muette.
Oh ! ma sœur, laisse-moi mourir !
 
Je ne veux pas survivre à mes nobles pensées,
Trésors de loyauté qu’il est beau d’acquérir.
Le poison peut entrer dans les âmes blessées…
Oh! ma sœur, laisse-moi mourir !

Il est plus glorieux de tomber généreuse,
D’embrasser en partant ceux qui nous font souffrir,
De finir sans remords, comme une femme heureuse.
Oh ! ma sœur, laisse-moi mourir !

Ta pieuse douleur ne sera pas sans charmes ;
De mes ailes, la nuit, je viendrai te couvrir ;
Je veillerai sur toi, j’adoucirai tes larmes !
Oh ! ma sœur, laisse-moi mourir !

Demain, à votre amour quand je serai ravie,
Tu trouveras ces vers, mon dernier souvenir,
Et ma mère, en lisant les chagrins de ma vie,
Me pardonnera de mourir !


Paris, 1834.