comment Valentine aurait-elle cru pouvoir abuser celui qui avait pénétré son secret d’une manière si inconcevable ?
Quatre heures sonnèrent !… Valentine agitée sentit sa pensée se troubler ; toutes ses idées se brouillèrent ; cherchant à se remettre, elle prit un livre et essaya de le parcourir pour retomber ainsi dans la réalité par l’imagination d’un autre.
Elle croyait avoir choisi un recueil de poésies ; mais, après avoir lu un quart d’heure, elle découvrit que l’ouvrage qu’elle tenait était une brochure sur l’hérédité de la pairie. Elle la jeta aussitôt sur la table, car elle venait d’entendre un tilbury s’arrêter brusquement à sa porte. L’oreille d’une femme qui attend reconnaît aussi vite le pas du cheval aimé que la voix qui lui est chère, et Valentine, qui avait tant de fois guetté l’arrivée de M. de Lorville chez sa belle-mère et chez madame de Fontvenel, ne put douter que ce ne fût lui. Son anxiété redoubla ; l’émotion de la joie a ses angoisses, ses étouffements comme celle de la douleur.
Elle entendit ouvrir la porte de l’antichambre et la voix d’Edgar qui demandait si madame de Lorville était visible ; il se reprit aussitôt :
— Madame de Champléry, veux-je dire.
Il voulait demander si madame de Champléry était chez elle, et dire son nom pour qu’on l’annonçât ; mais, dans sa préoccupation, il avait confondu la question et la réponse, et Valentine ne put s’empêcher de sourire de sa méprise.
Ce sourire la soulagea. Bientôt tout le sérieux de son bonheur lui revint. M. de Lorville fut annoncé, il entra et la porte se referma sur lui.
Oh ! qui pourra se figurer le charme répandu sur toute la personne de cet aimable jeune homme, paré de l’émotion la plus touchante, ennobli des sentiments les plus généreux ! Que d’éclat il y avait alors sur ce visage si gracieux, triste à force de bonheur, calme à force d’agitations, mais qu’un regard passionné enflammait ! Quelle douceur, quelle dignité dans son maintien, quel air de protection caressante, de tendre supériorité ! D’où lui venait tant d’assurance ? de l’assurance avec l’amour ! Elle lui venait d’une conduite pure et sans calcul, d’un dévouement dont il était fier… Une action