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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/121

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pable d’analyser et de contrarier, adopte aveuglément toutes les croyances, se contenta de cette réponse, qui ne lui aurait pas suffi dans toute autre circonstance.

De désespoir, elle questionna alors M. de Lorville sur son prétendu mariage avec mademoiselle de Sirieux.

— Il en a été question ; répondit-il ; mais mon père ignorait… notre amour ; il a été ravi de l’apprendre, et nous attend avec impatience à Lorville. Vous savez que nous partons samedi, après la messe.

— Je ne sais rien de cela, reprit Valentine en rougissant ; quoi ! c’est samedi ?

— Oui, samedi ; nous arriverons à Lorville le jour même. Oh ! que mon père sera heureux de vous revoir ! Il se fait une fête de vous nommer sa fille.

— Ma pauvre mère ! s’écria alors Valentine, qu’elle serait heureuse aujourd’hui… Edgar, comme elle vous aimerait !

Et Valentine se mit encore à pleurer, et Edgar l’embrassa de nouveau pour ses larmes.

— Chère Valentine, dit-il, ne troublez pas mon bonheur par des regrets si amers.

— J’ai perdu si jeune, répondit-elle, ceux qui m’aimaient !

— Hélas ! oui, mais songez que moi aussi je vous aime, et que je suis jaloux de tous vos souvenirs.

— Il en est un pourtant que je dois rappeler au jour de mon bonheur, dit Valentine en rougissant ; il est un nom que je ne prononce jamais qu’avec respect et que j’ai promis de vous faire chérir…

— Je devine, interrompit Edgar en voyant le trouble de Valentine : celui de M. de Champléry. Ah ! croyez que personne plus que moi ne bénit et ne révère sa mémoire.

— Mon vieil ami, s’écria Valentine, vous aviez raison de compter sur ma reconnaissance ; je sais aujourd’hui combien vous m’aimiez !

Et elle se remit à pleurer pour la troisième fois.

La pauvre Valentine n’avait peut-être pas versé tant de larmes pendant toute sa vie que dans ce seul jour de bonheur !