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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/126

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les genres d’embarras, le trouble d’une jeune fille qu’on marie et l’embarras d’une veuve qui se remarie. Heureusement, M. de Lorville, dont la présence ajoutait encore à ce tourment, en eut pitié, et mit fin à cette conversation en demandant à madame de Clairange si le notaire était arrivé.

— Il est là, dit-elle en montrant la porte de son second salon ; il nous attend.

Alors on passa dans le salon voisin, et chacun prit place solennellement pour écouter la lecture du contrat.

Au moment où le notaire commençait à lire, l’arrivée pompeuse d’une parente vint l’interrompre.

C’était une nouvelle mariée, éclatante d’or et de pierreries ; M. de Lorville, que l’apparition de cette femme devait émouvoir dans une telle circonstance, ne la reconnut point. Il ne pouvait deviner sous cette nuée de plumes blanches, à travers ces blondes étagées, sous ces lourdes parures, cette jeune et belle personne dont la mise si simple avait naguère séduit ses yeux ; enfin il ne pouvait reconnaître sous ce costume de grand’mère la sylphide mademoiselle d’Armilly. Pourtant c’était bien elle ; mais elle était tombée dans le tort commun aux nouvelles mariées, qui, dans leur empressement de porter les parures interdites aux jeunes personnes, s’affublent comme de vieilles femmes.

Ayant épousé un cousin de madame de Champléry, mademoiselle d’Armilly n’avait été invitée que pour signer le contrat de mariage ; et il était évident qu’elle avait hâté son arrivée pour en entendre la lecture.

Cette curiosité de parents soupçonneux ne surprit point M. de Lorville ; nul sentiment intéressé, nul étroit calcul ne pouvait l’étonner de la part de cette jeune nymphe si langoureuse dont il connaissait les sordides faiblesses. Malgré sa dissimulation, la première rivale de Valentine ne pouvait cacher son dépit ; il perçait à travers ses compliments et ses éloges offensants, qui semblaient menacer le bonheur pour lequel elle exprimait tant de vœux.

Valentine n’avait jamais aimé mademoiselle d’Armilly, peut-être bien parce que madame de Clairange la citait toujours comme le modèle des jeunes personnes, en exagérant sa dou-