Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/24

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d’Armilly avait quitté son petit air maussade, sa jolie taille s’était redressée, son visage s’était ranimé, sa démarche avait plus d’assurance, enfin elle avait cet ensemble satisfait qui trahit souvent les femmes quand elles dansent avec une personne qui leur plaît, cette confiance de plaisir d’une valseuse qui rencontre un bon valseur ou d’un savant joueur de whist à qui le sort a donné un partenaire digne de lui.

M. de Lorville remarqua ce changement, et l’attribua d’abord à l’effet que produisait la beauté de mademoiselle d’Armilly et à son désir de paraître belle au cercle nombreux d’admirateurs qui l’entouraient ; mais bientôt il vit que cette métamorphose de manières s’étendait jusqu’à lui. Mademoiselle d’Armilly semblait adoucir encore ses regards pour les attacher sur les siens, et choisir les plus tendres accents de sa voix pour lui répondre. Il y avait dans tous ses discours une intention de plaire qu’il était impossible de ne pas remarquer. Toute cette coquetterie sans faste et pleine de bon goût enchantait M. de Lorville.

— Vous arrivez d’Allemagne, dit mademoiselle d’Armilly, êtes-vous resté longtemps à Vienne ?

Edgar comprit alors que mademoiselle d’Armilly savait qui il était, et il se rappela avoir remarqué qu’elle demandait son nom à une personne placée près d’elle au moment où il était venu la chercher pour danser.

— Oui, répondit-il, j’y ai passé plus d’un an.

— S’y amuse-t-on beaucoup ?

— C’est selon ; il y a des gens qui ne s’amusent nulle part. Je connais un Anglais qui prétend que Paris est la ville du monde la plus ennuyeuse, et je vous assure que pour sa part il a raison ; il n’y est resté qu’un mois, avec la fièvre tierce. Aussi, il ne veut pas croire que personne s’y amuse.

Mademoiselle d’Armilly rit de cette plaisanterie avec tant de complaisance, que M. de Lorville se plut à exciter sa gaieté, et lui sut bon gré de rendre ainsi la conversation facile en lui parlant de ce qu’elle savait de lui.

Comme il dansait, un élégant d’un âge raisonnable, avec qui mademoiselle d’Armilly avait causé une partie de la soirée, vint se placer derrière elle ; mais il n’y resta pas longtemps ;