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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/272

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MONSIEUR LE MARQUIS

placer votre canne : c’est un petit arbuste charmant que je viens d’arracher pour vous.

— Mais c’est fort indiscret ce que vous avez fait là ! reprit Lionel ; c’était peut-être un des arbres favoris de madame de Pontanges…

— Ah bah ! son marquis lui en a arraché bien d’autres ! on dit qu’il a la manie de brouter.

— Cela est exact, ajouta madame d’Auray ; Laurence le promène tous les matins en laisse comme un chien, et elle s’assied tranquillement auprès de lui lorsqu’il lui prend la fantaisie de brouter.

— Délicieux ! délicieux ! s’écria Melchior Bonnasseau ; la chose est nouvelle et précieuse. Toutes les femmes mènent leurs maris ; mais pas une encore n’avait eu l’idée de mener le sien… paître !

— Quel est ce village à gauche de la route ? demanda Lionel pour changer la conversation, qui lui devenait pénible.

— C’est Champigny : nous irons voir la fête dimanche, si vous voulez.

— Ah ! c’est dimanche la fête de Champigny ! Nous irons, sans doute, reprit Melchior ; j’aime beaucoup à faire danser les villageoises.

— Vous rappelez-vous, l’année dernière, observa madame d’Auray, comme nous avons ri du brillant équipage de madame de Pontanges ! J’espère qu’elle aura le même cette année. Vous, monsieur de Marny, qui avez la passion des chevaux anglais, vous êtes digne d’apprécier le bel attelage de madame de Pontanges, et je vous promets du plaisir.

« Elle ne sait pas si bien dire ! » pensa Lionel, heureux de l’idée que Laurence viendrait à cette fête.

— Comment se fait-il qu’avec de la fortune, madame de Pontanges ait une si mauvaise maison, des gens si mal tenus ? demanda M. Rapart.

— Ah ! ce n’est pas la fortune qui fait l’élégance, répondit madame d’Auray. Laurence a de l’esprit, mais elle n’a jamais eu de goût.

— On en acquiert, ajouta Lionel, et quelques mois de séjour à Paris suffiraient…