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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/276

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MONSIEUR LE MARQUIS

sentit le besoin de l’intimider de nouveau pour reprendre ses avantages.

— Savez-vous, madame, reprit-il, que cette prétention de deviner ainsi ma pensée me donnerait le droit de la dire ?

Et il se mit à regarder Laurence d’une manière si embarrassante, qu’elle ne put rester à sa place.

Elle se leva vivement et courut vers la fenêtre.

— Quel beau temps ! dit-elle ; ne voulez-vous pas venir vous promener ?

— Je vous remercie mille fois, madame, répondit Lionel ; j’ai déjà fait deux lieues à pied, j’en ferai deux autres tout à l’heure, et, si c’est pour moi que vous voulez sortir, je préfère rester ici.

Laurence comprit que sa politesse n’avait pas le sens commun ; elle se mit à rire et vint se rasseoir près du feu.

— Pourquoi vous en aller ? ajouta Lionel, nous étions si bien là !…

Il prononça ces mots presque tendrement. Puis il se rapprocha de la cheminée, il prit les pincettes et releva quelques tisons qui venaient de tomber. Il resta un instant sans rien dire, comme préoccupé d’une idée. Ses yeux étaient fixés sur le pied de madame de Pontanges qui se chauffait, et ils l’examinaient avec tant d’attention, que ce pauvre pied, intimidé, se retira de lui-même et alla se cacher sous un coussin de tapisserie. Laurence, comme esprit, était difficile à déconcerter ; mais, comme femme, la moindre chose la faisait rougir. Le mot le plus piquant ne la surprenait jamais sans réponse ; mais le moindre regard sur sa personne la troublait comme une jeune fille.

Tout à coup Lionel releva la tête, et jetant sur Laurence le regard le plus étrange :

— Viendrez-vous cet hiver à Paris, madame ?

Il y avait tout un avenir dans cette question.

— Non, répondit Laurence tristement.

— Tant mieux…

— Pourquoi tant mieux ?

— Oh ! si vous eussiez dit oui, j’aurais dit tant mieux de même.