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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/348

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MONSIEUR LE MARQUIS

— Vous êtes libre, puisque vous n’aimez pas votre mari…

— Qu’importe ?… je suis mariée !

— Mariée ! répéta Lionel avec le plus singulier sourire. Puis il ajouta : — Vous avez donc le préjugé du mariage ?

— Préjugé ! répéta madame de Pontanges… je n’appelle pas préjugé un engagement sacré…

— Il n’est d’engagements sacrés que ceux du cœur ; l’amour, Laurence, c’est la seule loi qu’il faille suivre ; le bonheur de celui qu’on aime, c’est le seul devoir de la vie. — Le mariage n’est qu’une association de convenances ; c’est une fraternité d’intérêts et non de sentiments ; c’est une imposture spirituelle pour donner des garanties à la société. Le mariage est une fiction ingénieuse ; les maris eux-mêmes, qui l’entretiennent encore, n’y croient pas ; ils savent bien que la fidélité est impossible, et, il faut leur rendre justice, ils n’y prétendent pas…

Laurence était atterrée ; tant de corruption la désenchantait.

— J’y crois encore, moi, dit-elle sèchement ; J’en suis fâchée pour vous, monsieur.

Comme elle achevait ces mots, madame Ermangard revint.

— Il est tard, ma nièce, dit-elle, vous êtes souffrante ?

— J’attendais votre arrivée, madame, ajouta M. de Marny, pour me retirer ; je pense, comme vous, que madame votre nièce a besoin de repos.

Lionel sortit sans regarder Laurence.

« Voilà une soirée d’amour qui finit d’une manière bien agréable ! pensa-t-il. J’ai eu tort… je l’ai effarouchée trop vite ; il fallait dire comme elle, partager toutes ses idées folles, tous ses préjugés ; il fallait admettre tous ses principes en général, mais la placer, elle, dans l’exception ; il fallait dire : Toutes les femmes doivent aimer leurs maris, excepté vous le vôtre, qui est une fiction légale, mais non une réalité sacrée. Allons, j’ai manqué d’adresse : c’est que je l’aime, et puis elle est si belle !… Mais n’importe… elle m’aime aussi, je réparerai cela demain. »