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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/360

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MONSIEUR LE MARQUIS

çaient à faire très-mauvaise mine à M. de Marny, dont les assiduités les inquiétaient. Lionel était au bout de ses prétextes ; d’abord il avait feint une passion désordonnée pour la chasse, et il passait des matinées entières avec l’ex-sous-préfet à courir les bois, le tout pour voir plus souvent Laurence dans ses promenades. Le hasard, qui protège les amants, avait amené quelques perdrix malades et un chevreuil boiteux sous les yeux de Lionel, qui les avait achevés. Cela avait suffi pour justifier ses prétentions de chasseur. Quand il venait de Paris, il avait soin d’apporter des faisans, des bécasses et autre gibier qu’il faisait acheter tout bonnement chez Chevet pour les avoir meilleurs, mais qu’il offrait comme provenant de sa chasse, d’une chasse superbe qu’il était censé avoir faite dans d’autres pays, chez d’autres amis, de l’autre côté de Paris ; de sorte qu’on le crut très-bon chasseur pendant les premiers temps. L’ex-sous-préfet s’y trompa lui-même, malgré sa finesse, et crut que la chasse était ce qui attirait principalement M. de Marny à Pontanges, que l’amour n’était qu’un accessoire ; mais son erreur dura peu. Il avertit madame Ermangard, qui s’alarma sérieusement. Lionel alors imagina un prétendu voyage en Dauphiné, où il devait aller rejoindre son père ; et madame Ermangard, se fiant à cette prochaine et longue absence, toléra encore quelque temps les visites de M. de Marny à Pontanges. Il vint quatre ou cinq fois, toujours pour faire ses adieux, toujours à la veille de son prochain départ, que des affaires diverses retardaient toujours ; mais enfin cette ruse commençait à vieillir, et puis l’hiver était horriblement froid. Faire quinze lieues par la gelée pour un regard, c’était bien rude, et voyager en poste toutes les semaines, c’était bien cher ; vivre en présence d’une si belle femme, habiter sous le même toit, être aimé d’elle, et passer ses jours en contemplation, rien qu’en contemplation, c’était bien cruel. M. de Marny donc s’ennuya. Or vous savez comme les hommes sont aimables et bons lorsqu’ils s’ennuient…