— Je le trouve trop blême ; il a l’air malade ; j’aime mieux son ami.
— Qui ? ce gros rouge ? Laisse donc ! c’est un pouf !
— Chut ! v’là M. le maire avec son écharpe…
M. Bélin s’avança gravement. Il était fort ému ; il n’avait pas cette noble indifférence qui convient au magistrat : on voyait qu’il était intéressé dans la question. Il ouvrit le Code civil et lut le chapitre qui concerne les époux et leurs devoirs ; puis il dit d’une voix chevrotante :
— Lionel-Richard-Raymond de Marny, consentez-vous à prendre pour épouse Laure-Amélie-Clémentine Bélin ?
— Oui.
— Mettez votre main dans celle de mademoiselle.
Puis reprenant son ton solennel, le maire continua :
— Laure-Amélie-Clémentine Bélin, consentez-vous à prendre pour époux Lionel-Richard-Raymond de Marny ?
— Oui, mon père, répondit Clémentine.
Lionel sourit.
Elle se reprend : — Oui.
M. le maire lit l’exhortation d’usage ; il bégaye paternellement, car son émotion est profonde pendant cette cérémonie dont il est le grand prêtre, lui, l’homme du monde qui fait le moins de cérémonies.
Mademoiselle Valérie Bélin, fille de M. le maire et sœur de la mariée, se moque beaucoup de M. son père et de la manière dont il lit le Code.
— Ce mariage de famille ressemble à une charade en action, dit-elle tout bas à son amie. C’est mon premier… Le mot est Épouvante.
On fait signe à Valérie de se taire.
— Vous ne rirez pas ainsi, mademoiselle, quand viendra votre tour.
— Moi, si vraiment, je rirai… D’abord, je ne me croirais pas mariée ainsi.
La cérémonie est terminée…
On emporte la grande table de la mairie. Le bal va commencer.