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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/39

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d’en être favorablement accueilli, Edgar rêvait au bonheur de passer sa vie auprès de Stéphanie, et, se flattant d’en être aimé un jour, il se réjouissait d’avance de déconcerter, par ce mariage si brillant pour elle, l’humble délicatesse des projets de son ami.

Mais il voulait savoir jusqu’à quel point elle pouvait partager sa pensée, et lire ce qui se passai dans son cœur. L’arrivée de madame de Clairange occupait tout le monde. M. de Lorville, voyant que personne ne l’observait, choisit ce moment pour satisfaire sa curiosité, et se confirmer dans son espoir. Il était sûr depuis longtemps de l’affection de Stéphanie, et il savait aussi que nul calcul d’intérêt ou d’ambition ne pouvait entrer dans une âme si pure, ni venir le désenchanter. Enfin, plein de confiance et saisi d’une joyeuse émotion, il la regarde… Ô surprise, ô découverte plus cruelle que tous les désenchantements ! Stéphanie ne pense pas à lui !… Stéphanie aime, le cœur de Stéphanie n’est plus libre… Son accent affectueux n’est que de l’amitié, sa coquetterie n’est qu’une petite vengeance contre celui qu’elle aime, vulgaire punition d’un léger tort. M. de Lorville observe autour de lui, il cherche son rival ; le jeune officier, qu’il n’a pas remarqué jusqu’alors, se trahit par son air de dépit et son silence. Pauvre Edgar ! c’en est fait, son bel avenir s’évapore. Il éprouve tous les tourments de la jalousie, tout le découragement d’un dernier adieu… Hélas ! encore un amour éteint en naissant ! encore un beau rêve détruit !

Edgar, désolé, le cœur dévoré de regrets, prend la résolution de s’éloigner ; mais auparavant il se promet de punir Stéphanie de l’espoir trompeur qu’elle a fait naître ; il veut se consoler, au moins, du chagrin d’avoir deviné son secret, en lui prouvant qu’il le possède et qu’elle se trouve dans sa dépendance.

Elle revint auprès de lui, plus gracieuse et plus coquette qu’elle n’avait été jusqu’alors.

— Je vous préviens, dit-elle en riant, qu’il se trame un grand complot contre vous : on va vous présenter à madame de Clairange ; ainsi préparez-vous à être aimable.

— Est-ce un destin que d’être présenté à madame de Clairange ? demande Edgar avec ironie.