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DE PONTANGES.

Lionel était furieux :

Sa femme fut un moment effrayée de l’orage volontaire qu’elle avait amassé sur sa tête.

— Pardon, dit-elle, pardon ! soyez généreux… Il ne sait pas que je l’aime… laissez-moi l’oublier. Je vous serai soumise, vous n’aurez pas un reproche à me faire… Soyez généreux… je vous aimerai…

Sa voix devint tendre malgré elle à ce mot… Son mari la regarda.

— Je vous aimerai comme une sœur, ajouta-t-elle.

— Comme une sœur !… répéta Lionel avec ironie et dévoré du plus amer souvenir. C’est donc une fatalité ! Comme une sœur ! Elle aussi m’a dit qu’elle m’aimerait comme une sœur !… Mais c’est une infâme plaisanterie, une mystification infernale !… Comme une sœur… une sœur !…

Et il se mit à rire d’un rire épouvantable.

Clémentine voulut le calmer, il la repoussa durement :

— Rassurez-vous, mademoiselle, vous n’avez rien à redouter de mon amour. Restez parfaitement fidèle à votre cousin… rêvez à lui tout à votre aise ; ce n’est pas moi qui troublerai vos rêves… Adieu.

Lionel, en proie au plus violent dépit, entra dans un appartement qui communiquait à celui de sa femme, et Clémentine l’entendit fermer brusquement les deux portes après lui.

— Il est fâché… se dit-elle ; quel bonheur ! Mais non, c’est de l’orgueil…

Et elle passa le reste de la nuit à pleurer.


VII.

ENCORE UNE LETTRE.


En entrant dans sa chambre, M. de Marny se laissa tomber dans un fauteuil et resta longtemps immobile, accablé par tant d’émotions. Ses yeux erraient autour de lui sans rien voir… Tout à coup ils s’arrêtèrent sur cette lettre timbrée de Pontanges… cette lettre qu’il n’avait pas voulu lire… cette lettre qu’il avait oubliée !