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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/403

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DE PONTANGES.

vais-je attendre un mois, un seul mois, et nous étions unis… Laurence était ma femme !… Ô fatalité ! malédiction ! qu’ai-je fait ?… cela est horrible ! Un mois !… Oh ! si je pouvais retrancher ce mois de ma vie !… Ce mariage… il doit être possible de le rompre… Clémentine ne m’aime pas… S’il était temps encore… peut-être… J’irai consulter un avocat… Clémentine ne s’y opposera pas… On la mariera avec son cousin… Je sacrifierai toute ma fortune… oui, il doit y avoir un moyen… Laurence m’appartient… je l’aime trop… C’est un destin qu’un tel amour. Elle sera ma femme… ou je mourrai !

Lionel était puissamment agité. Son cœur ne pouvait suffire aux changements subits de ses impressions. L’aveu de Clémentine l’avait révolté, et maintenant cet aveu faisait toute son espérance. Tel était son délire, qu’il voyait dans cet aveu un moyen de rompre le mariage qui les rendait tous les deux misérables. De plus, il servirait d’explication au projet qu’il méditait. Lionel sort à pas lents de sa chambre, il monte légèrement l’escalier qui conduit chez son valet de chambre, il frappe à sa porte en tâchant de faire le moins de bruit possible.

— Germain ! dit-il à voix basse.

— C’est monsieur ?… dit le valet de chambre qui ne dormait pas encore.

— Lève-toi vite, Germain, et cours à Rancy commander deux chevaux pour neuf heures. Si l’on t’interroge, tu diras que je t’ai donné cet ordre hier soir.

— Oui, monsieur, je pars tout de suite… Diable ! pensa-t-il, il y a du micmac.

À neuf heures les chevaux étaient dans la cour. Lionel allait monter en voiture lorsqu’une voix jeune le fit tressaillir : il crut reconnaître celle de Clémentine.

— Quoi ! vous partez ?

Lionel se retourna… — C’est vous, Valérie, dit-il en reconnaissant la sœur de sa femme ; vous avez la voix de Clémentine au point que j’ai cru que c’était elle qui m’appelait.

— Je comprends votre étonnement, reprit Valérie avec malice.

— Je m’étonne, sans doute, de vous voir déjà levée…