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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/409

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DE PONTANGES.

— Madame ! vous m’appelez madame !… mais je ne suis donc plus votre Laurence ? M’avez-vous déjà oubliée ?

Lionel sourit, mais ce n’était plus ce sourire suave et plein d’amour qui rendait son visage si charmant. M. de Marny, en revoyant cette femme si franche, si passionnée, si naïve, avait perdu toute son assurance ; il ne se sentait plus la force cruelle de la tromper ; Laurence était trop chaste dans sa passion. Elle déconcertait le mensonge. Près d’une femme qui, en le revoyant, aurait fait du marivaudage, des phrases vagues, qui aurait allié un amour d’avenir avec les convenances sociales d’un veuvage récent, — et c’est ainsi que Lionel avait cru trouver madame de Pontanges ; — près d’une femme froide, contrainte ou raisonnable, Lionel serait resté perfide ; il aurait profité de son erreur, il l’aurait trompée ; mais auprès d’elle… il était vrai. L’amour de Laurence était trop naïf, trop honnête pour ne pas le désespérer. Elle était si loyalement soulagée de pouvoir l’aimer sans remords ! elle disait : « Je t’aime » avec tant de hardiesse ; elle venait à lui si bravement, qu’il ne pouvait se méprendre sur sa pensée. C’était toute sa vie qu’elle lui donnait, toute sa fortune qu’elle offrait ; c’était enfin à son mari qu’elle croyait parler.

Il ne pouvait en douter, lui qui l’avait vue naguère si différente ; il savait bien qu’elle n’était pas une femme légère, lui qui l’avait vue si longtemps résister.

Ô supplice ! Pouvait-il lui répondre : — Je ne suis plus libre… Adieu… Pouvait-il sans danger la réduire au désespoir ?… Elle était en ce moment si heureuse ! Il fallait bien mentir… Mentir ! à ce qu’on aime ! c’est affreux !

Joseph entra.

— Monsieur, je viens de m’apercevoir qu’il manquait un boulon à la voiture ; faut-il la mener de suite chez le charron ? C’est qu’elle ne sera peut-être pas prête pour demain.

— Demain ! vous partez demain ? dit madame de Pontanges.

— Je suis obligé de vous quitter, répondit Lionel avec embarras. Vous permettez qu’on mène ma voiture ?…

— Oui sans doute ; allez vite.

Et dès qu’ils furent seuls :

— Partir sitôt, Lionel ! pourquoi ?…