— Laurence !… s’écria M. de Marny malgré lui.
Sa femme devint tout à coup très-pâle.
Madame de Pontanges, qui n’était jamais venue à l’Opéra, fut si préoccupée du spectacle nouveau qui s’offrait à ses yeux, qu’elle ne s’aperçut point de l’effet que son entrée avait produit. Elle regardait beaucoup, et ne voyait rien ; elle n’avait pas encore l’habitude de chercher quelqu’un dans une salle d’Opéra ; elle ne vit ni Lionel, ni sa femme.
La toile se lève, et la scène captive toute son attention.
— Est-ce le commencement ? dit-elle.
— Non, il y a déjà un acte de joué.
— Eh bien, vous m’avez fait venir trop tard ! pourquoi ?… Monsieur le duc, vous aviez raison, dit-elle au vieux homme comme il faut qui l’avait amenée ; mais M. Dulac m’avait tant recommandé de ne venir qu’à huit heures et demie…
— Vous ne pouviez venir plus tôt, dit Ferdinand.
— Si vraiment, je n’avais rien à faire.
M. Dulac sourit.
— Si l’on vous avait vue arriver à sept heures, vous étiez une femme perdue… comme élégance, ajouta-t-il en riant.
— Ah ! c’est vrai, reprit Laurence, j’oublie toujours mon rôle ; mais je le trouve difficile… J’ai déjà fait bien des sacrifices à l’élégance… voilà trois représentations que vous me faites manquer pour satisfaire à vos idées… Vous êtes un tyran ! je crois que je vais me révolter.
— C’est le moment, vous n’avez plus besoin de moi.
— Je ne suis pas ingrate. Ce que vous dites là n’est pas bien.
— Ma tâche est finie, continua Ferdinand. J’ai fait arranger votre maison…
— À merveille ! reprit Laurence.
— Grâce à madame de Champigny, je vous ai indiqué les meilleures marchandes de modes et couturières de Paris ; vous êtes mise dans le dernier goût. J’ai choisi vos chevaux, ils sont de pur sang ; vos gens sont les mieux tenus… Vous n’avez plus rien à attendre de moi, il est juste que vous me renvoyiez. Allez, il ne vous reste plus qu’à suivre mes instructions et mes conseils.