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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/482

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MONSIEUR LE MARQUIS

est ridicule de ne pas la saluer quand vous la rencontrez dans le monde, autant il est inconvenant d’aller humblement chez elle sans y être invitée.

— Je lui devais une visite depuis deux mois, et je ne pensais pas faire une chose inconvenante… J’ai du malheur, ajouta-t-elle en s’essuyant les yeux ; tout ce que j’imagine pour vous plaire vous contrarie.

— Toujours des larmes ! dit Lionel ; les femmes ne savent que pleurer. En vérité, madame, vous me faites passer pour un tyran ; on croirait que je vous maltraite, que je vous rends malheureuse…

— J’ai tort, sans doute, reprit Clémentine avec douceur… mais ce n’est pas ma faute, j’ai mal aux nerfs… je pleure sans sujet. Oh ! je voudrais m’en aller ! je vous gêne, je le sens ; mais mon père veut que je reste ici. Ah ! je voudrais partir, l’air de la campagne me ferait du bien…

— Pourquoi donc votre père refuse-t-il de vous emmener ?

— Il veut que je fasse mes couches à Paris ; il n’a pas confiance dans les médecins de campagne… Ma mère est morte en couche, et ce souvenir lui fait craindre pour moi.

Une affreuse pensée, rapide, involontaire, traversa l’esprit de Lionel : — Si elle mourait en couche… je serais libre !… Et il se fit horreur à lui-même !… il repoussa de toute sa puissance ce vœu cruel… mais, malgré lui, l’espérance avait germé dans son cœur.

— Je suis un monstre ! pensa-t-il… Pauvre Clémentine, si jeune !…

Il y croyait déjà !…

— Non, tu ne mourras pas…

Et il la regarda.

— Comme elle est changée ! pensa-t-il.

Il était si honteux de ses pensées, qu’il avait hâte de les cacher, de s’en distraire aussi… Il était réellement malheureux de se découvrir tant de noirceur dans l’âme… Oh ! que l’amour rend méchant !…

— Votre père a raison, dit Lionel ; il faut que vous restiez à Paris… Mais, de grâce, ma chère Clémentine, soyez raisonnable, ne vous tourmentez pas ainsi.