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MONSIEUR LE MARQUIS

— Pardon, madame, dit Lionel ; vous m’avez fait l’honneur de me demander ?…

— Oh ! je comprends à merveille que vous n’ayez pas écouté… Regardez, lorgnez, ne vous gênez pas. Je disais qu’elle était ce soir belle comme un ange.

— Ce n’est pas cela que vous disiez, madame.

— Je vous demandais pourquoi Clémentine n’était pas ce soir à l’Opéra…

— Elle est souffrante ; sa grossesse la fatigue.

— Mon Dieu ! qu’elle ne fasse pas d’imprudence ; madame de N… est morte en couche hier… Cela fait frémir.

— On lui défend le spectacle.

— Oh ! ce n’est pas le plaisir qui rend malade ; rire est moins dangereux que de pleurer… Pauvre Clémentine !…

Puis elle ajouta avec coquetterie :

— Vous êtes un monstre, Lionel !

— À qui le dites-vous ? reprit-il en feignant de plaisanter.

— Ah ! s’écria-t-elle tout à coup, voilà le prince de Loïsberg… Je le croyais parti… c’est charmant : il est venu il y a deux jours me faire ses adieux… et je le retrouve à l’Opéra !… Que s’est-il donc passé ?

— Je n’en sais rien, dit M. de Marny sèchement.

— Ce n’est pas à moi qu’il faut dire cela ; vous ne pouvez plus me tromper… Lionel, je vous connais maintenant.

— Je vous jure, madame, que je ne sais rien des projets de M. de Loïsberg S’il doit partir, j’ignore où il va.

— C’est cependant pour votre compte qu’il voyage… Vous lui faites parcourir l’Europe depuis deux ans d’une manière très-profitable pour tous deux… Ses voyages le forment ; ils en feront un homme fort distingué… Il vous devra beaucoup.

Madame d’Auray se mit à rire.

— Je n’accepte pas ces compliments, reprit M. de Marny, moitié fâché, moitié flatté. Je ne suis pas responsable du choix des pays qu’il parcourt.

— Vous vous chargez de l’envoyer au loin, et voilà tout.

— Par exemple, cette fois je ne sais quelle route il doit prendre.

— Vraiment ?