— Est-elle à Paris ?
— Oui, elle y reste encore quelques jours avec sa mère, qui est souffrante.
— Ah ! pauvre femme… allons savoir de ses nouvelles.
Et nous voilà bientôt dans un jardin charmant, entourés de fleurs, respirant un air pur, sans avoir fait d’autres frais que de demander à une de nos amies des nouvelles de sa santé.
C’est ainsi qu’Edgar se trouva chez une de ses parentes qui possédait, rue de Varennes, un des plus beaux jardins de Paris. La solitude de ce quartier était si grande cette année, qu’on s’y croyait presque à la campagne. Il était déjà nuit lorsqu’il arriva chez madame de Montbert ; les salons étaient éclairés, mais tout le monde était encore dans le jardin ; Edgar s’avança, dans l’ombre, vers la maîtresse de la maison, causa un moment avec plusieurs de ses amis qu’il reconnut au son de leurs voix ; puis, se rapprochant d’un cercle de femmes assises sous de hauts orangers, il se mêla à leur conversation.
De temps en temps il découvrait une personne de sa connaissance dans l’obscurité, aux lueurs incertaines que répandaient sur les gazons et à travers le feuillage, les lampes étincelantes du salon.
— Ah ! c’est vous ! s’écriait-il ; et chacun riait de cette espèce de colin-maillard. D’ailleurs cette conversation dans l’ombre, ces malices jetées dans la nuit, et que la physionomie ne confirmait point, ces plaisanteries anonymes, ces mystères de l’esprit avaient quelque chose de piquant qui amusait beaucoup M. de Lorville.
Une femme surtout avait attiré son attention par plusieurs mots spirituels dits avec grâce, par des observations fines et pleines de cette gaieté bienveillante qui dédaigne l’épigramme, que nourrit une imagination heureuse, et qui n’a pas besoin des saillies de la malice pour briller. Si l’on venait à parler de choses sérieuses, cette personne, qui paraissait pourtant fort jeune, lançait sans prétention des idées dont la justesse et la profondeur étonnaient, et tout cela avec une voix douce et d’un accent de bonhomie qui enchantaient.