marier ; elle avait d’abord beaucoup pleuré à cette déclaration, puis elle avait pris son parti courageusement.
— Tout ce que je sais, dit la fille de madame d’Estigny, c’est que madame de Bellegarde parle de lui avec la plus grande estime et comme du plus loyal de ses amis.
— Alors, c’est qu’ils ne sont point brouillés et qu’ils se sont donné rendez-vous à Gênes ou à Florence.
— Ils se sont brouillés à l’amiable, dit en souriant la maîtresse de la maison, et ils ne se reverront jamais… Et elle regarda madame de Meuilles, dont le trouble était remarquable.
— Mais, ajouta-t-elle avec une insouciance très-bien jouée, comme leur brouille ou leur bon accord n’intéresse personne de nous, je vous demanderai de parler d’autre chose et de m’indiquer un livre nouveau qui puisse m’aider à souffrir.
On causa un moment littérature. Marguerite essayait de se mêler à la conversation ; mais comme elle était agitée !…
Quelle nouvelle pour Marguerite ! Robert l’aimait donc, puisqu’il lui avait sacrifié madame de Bellegarde. Oh ! cette pensée lui donnait une joie folle qu’elle se reprochait amèrement.
Madame d’Arzac était venue chez sa fille ; on lui avait dit qu’elle était chez sa voisine, et madame d’Arzac avait rejoint Marguerite chez madame d’Estigny.
— Où est donc Étienne ? dit-elle tout bas à sa fille.
Marguerite lui raconta l’histoire du dîner de marins.
— Ce n’est pas possible, dit madame d’Arzac ; il y a là-dessous quelque mystère. Tu l’as vu ?
— Oui, ma mère.
— C’est lui-même qui t’a dit cela ?
— Lui-même.
— Vous étiez seuls ?
— Non.
— Alors il a cru devoir faire un mensonge.
— Et quelle nécessité de mentir ?
— Ah ! mon enfant, que veux-tu, dans une situation fausse il est difficile d’être vrai.
Marguerite rougit, elle garda le silence. Madame d’Arzac devina à peu près ce qui s’était passé ; elle jugea que le moment était venu d’attaquer M. de la Fresnaye avec vigueur. Elle fit