trouver grâce devant lui. Ses yeux s’attachaient sur elle avec avidité, comme pour essayer de retenir cette image chérie et l’empêcher de s’effacer à jamais ; il étudiait ces traits si purs, il s’imprégnait de leur expression angélique, il ne voulait pas perdre une minute de cette contemplation suprême… Il l’admirait, il l’adorait, et il éprouvait une joie déchirante quand il la voyait sourire de cette adoration insensée.
Madame d’Arzac soignait sa fille en silence avec un courage qui faisait mal à observer. Elle n’avait qu’une préoccupation, cacher à Marguerite sa haine pour M. de la Fresnaye. Oh ! maintenant cette haine instinctive ne lui était que trop bien expliquée. « Sans lui, se disait-elle, Étienne vivrait et ma fille ne succomberait point au remords de l’avoir tué ! »
Elle accusait Robert, et il était moins coupable qu’elle. Robert n’avait fait que suivre l’inspiration de son amour, il n’avait fait qu’obéir à ses lois : car le devoir de l’amour, c’est de poursuivre sa proie et de l’obtenir malgré tout et à tout prix, morte ou vive… Mais madame d’Arzac avait joué ce triste rôle que jouera toujours le faux bon sens aux prises avec l’exaltation d’un sentiment vrai. Le faux bon sens, cette idole des cœurs égoïstes, des natures froides et pauvres, cette raison de convention qui refait, pour l’agrément de la société, des caractères négatifs à son image, qui supprime l’enthousiasme de la pensée, le feu du cœur, le sang des veines ; qui se vante de ne point connaître les passions et qui se mêle de les conduire ! Faux bon sens, c’est toi qui causes tous les malheurs : les révolutions chez les peuples, les catastrophes dans les familles ! Sans l’espoir trompeur que lui avait donné madame d’Arzac, Étienne, préparé par ses craintes, dans ses heures de découragement, aurait pu renoncer à Marguerite ; mais trouver le désespoir au moment même du bonheur, c’était trop ! on ne peut pas tomber de si haut sans périr.
Plusieurs jours se passèrent ainsi, dans des soins inutiles, sans amener d’espoir. Un matin, Marguerite se trouva moins oppressée ; elle fit demander M. l’abbé de ***. À cette demande Robert pâlit.
— N’ayez pas peur, dit Marguerite en souriant, c’est pour nous marier… oui, vous savez que j’ai des scrupules, ajouta-