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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/233

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de très-bonne compagnie, très-brave, plein de délicatesse et de loyauté, très-bon légitimiste, mais très-dangereux, c’est-à-dire très-séduisant.

Que de gens, dont on fait de graves éloges payeraient cher ces médisances-là !

Quand une jeune femme n’a plus contre le séducteur qui s’occupe d’elle que de si douces préventions, elle commence à devenir plus indulgente. Ce qui lui semblait être une audace inconcevable n’est plus à ses yeux qu’une espérance assez justifiée ; ce qui paraissait une offense ne lui paraît plus qu’un hommage ; et comme elle ne se croit plus la victime d’une fatuité révoltante, elle finit par s’enorgueillir d’être l’objet d’une préférence flatteuse.

Ce personnage mystérieux qu’elle rencontrait chaque jour, qui la suivait, qui observait toutes ses démarches, et qui cependant ne lui parlait jamais, et qui ne cherchait point à la connaître, intéressait Léontine malgré elle. Mesdames de Viremont étaient à la mode ; on courait après elles, c’est le mot. À Paris et partout, les effets de la mode sont les mêmes ; cela part comme une traînée de poudre, mais il faut y mettre le feu. Il y a des gens qui ont tout ce qu’il faut pour être à la mode : la poudre ne leur manque pas ; la traînée est faite, mais on n’y met point le feu, et ils restent ignorés toute leur vie. Une fête n’était pas complète si mesdames de Viremont n’y paraissaient point. Aussi chacun les invitait avec empressement, non pas pour soi, non pas pour elles, mais dans l’intérêt du bal qu’on voulait donner, pour dire le lendemain : « Nous avions mademoiselle de C…, madame de M…, mesdames de Viremont, etc., etc., les nouvelles beautés de l’année. » Tous nos jeunes et vieux élégants venaient à l’envi faire leur cour aux deux belles-sœurs. M. de Lusigny seul ne demandait pas à leur être présenté. Hector s’en étonnait, et comme cet éloignement le laissait en pleine sécurité sur les intentions de son rival, il parlait de lui sans se gêner, c’est-à-dire qu’il en disait le plus grand bien, parce qu’il était trop généreux et trop sincère pour ne pas admirer les qualités qu’il dédaignait pour lui-même. Tout venait donc adroitement conspirer en faveur de M. de Lusigny auprès de Léontine. Le séducteur