bien élevé, fils de la femme vertueuse, pour servir de prétexte à mille jeux ; un élégant hors d’âge ; une vieille femme sensible ; une jeune miss émancipée ; peu de maris, et pas de chiens.
Pendant le trajet de Paris à Saint-Germain, les voyageuses eurent raisonnablement peur, juste ce qu’il fallait pour avoir l’air novice. La jeune Anglaise seule paraissait aguerrie. Les inconvénients et les avantages du chemin de fer firent naturellement les frais de la conversation ; les femmes manifestèrent pour le grand souterrain une horreur convenable ; les hommes ne manquèrent pas de répondre à ce sentiment par les deux ou trois phrases de mauvais goût qu’à propos de ce souterrain il est d’usage de dire. La vieille femme sensible alors s’écria qu’elle n’oserait jamais voyager en wagon avec des inconnus ; elle prétendit que cela pourrait être très-dangereux. On lui laissa cette crainte ou plutôt cette illusion ; on se plaignit de l’odeur désagréable de la vapeur, on s’effraya du hennissement étrange de la machine. Ce cri nous rappelle que dernièrement nous avons voyagé avec un gros monsieur qui ne doutait de rien et qui donnait à tort et à travers des explications à tout le monde. C’était M. Prudhomme en chemin de fer.
— D’où viennent ces cris horribles ? demanda quelqu’un.
— Ce sont les cris des conducteurs qui s’avertissent et se répondent, dit avec empressement l’adorable M. Prudhomme. Ne pourraient-ils choisir un plus agréable langage ? Au surplus, ajouta-t-il, c’est le cri des douaniers espagnols… Oui, c’est ainsi qu’ils s’appellent entre eux dans les montagnes de la Savoie.
La personne à qui s’adressait ce discours n’en parut nullement étonnée ; il ne lui vint pas à l’idée que les douaniers espagnols devaient, en effet, avoir un cri bien étrange pour parvenir à se faire entendre dans les montagnes de la Savoie. Mais ici, un sot qui parle avec assurance peut dire bien des bêtises impunément ; dans les conversations, dans les journaux, nous laissons passer les plus lourdes niaiseries sans les comprendre ; cela explique pourquoi nous avons osé nous proclamer le peuple le plus spirituel de l’univers.
On arriva à Saint-Germain. De là il fallait aller par un