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L’ILE DES MARMITONS.

Le petit joufflu se sentit un moment ébranlé ; l’idée d’être présenté à la cour lui souriait, mais la vue du bonnet de coton que portait Cesaro le retint. Il pensa qu’il ne pouvait sortir de la prison qu’en s’habillant en marmiton, et il ne put jamais s’y résigner.

Alors Cesaro exigea de lui tous les renseignements nécessaires pour la fabrication des macaronis ; il ne put les obtenir qu’en promettant au petit joufflu de le reconduire avant huit jours dans sa patrie.


CHAPITRE HUITIÈME.

MANIÈRE D’APPRENDRE À FAIRE DES MACARONIS.


Toute la journée du lendemain fut employée à pétrir la pâte des macaronis ; et après plusieurs essais malheureux, Cesaro parvint enfin à réussir complètement.

Le surlendemain arriva : c’était le grand jour, le jour décisif. Cesaro sentait son cœur battre vivement, il invoquait le souvenir de Teresina pour se rassurer.

Il soufflait le feu d’une main tremblante ; il préparait avec une émotion qui jusqu’alors lui avait été inconnue ce plat dangereux d’où dépendait toute son existence.

Que de fois, dans son empressement à goûter ce mets important, l’infortuné se brûla la langue ! que de macaronis furent sacrifiés dans ces épreuves, dans cette lutte douloureuse ! les uns, brisés en morceaux, voyaient leurs membres sans vie çà et là dispersés ; d’autres flottaient noyés dans une sauce, hélas ! trop abondante ; ceux-ci, privés de chaleur, restaient à la surface, étendus, roides et immobiles ; ceux-là, au contraire, exposés au feu de toutes parts, se calcinaient sans gloire au fond de la casserole embrasée ; et tous, bientôt, après des souffrances inutiles, allaient en frémissant s’abîmer dans un même carnage, ou plutôt dans une bouillie universelle !

Trois fois de nouveaux combattants furent envoyés au feu, et trois fois la victoire fut impossible, Cesaro voyait avec douleur s’épuiser ses bataillons et son fromage de Parmesan, qu’il