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L’ILE DES MARMITONS.

s’empara de son cœur, et il tomba dans un accablement bien concevable.

Il resta dans cet état jusqu’à dix heures du soir, sans vouloir prendre de nourriture ni de repos, cherchant à s’expliquer le silence de la reine à son égard et ne comprenant rien à ses caprices.

Absorbé par ses réflexions, il n’entendit pas la porte de la cuisine solitaire s’ouvrir doucement, il n’entendit point les pas furtifs qui se dirigeaient de son côté ; mais il frissonna de tous ses membres lorsqu’il sentit tout à coup sur son épaule une main qui s’y posait.

Il releva la tête brusquement : quelle fut sa surprise, lorsqu’au lieu d’un voleur, d’un gendarme, qu’il redoutait, il reconnut, devinez qui ?… la reine !… la reine Marmite elle-même, en personne… et en robe de chambre !…

— Grande reine, s’écria-t-il en se prosternant ; vous !… en ces lieux !… à cette heure !…

— Ne craignez rien, répondit la reine ; je suis contente, vous êtes celui que je cherchais, le messager qu’il me fallait pour l’entreprise la plus importante qu’une reine ait jamais méditée !… Ne perdons point de temps ; prenez ces papiers, ils contiennent vos instructions ; je vous connais assez déjà pour savoir que vous êtes capable de les exécuter fidèlement.

Cesaro ne revenait point de sa surprise. Une ardente curiosité le tourmentait aussi, il mourait d’envie de demander à la reine comment elle avait trouvé ses macaronis, car il ne pouvait croire que la reine lui donnât une mission si importante, uniquement parce qu’elle les avait trouvés bons.

Enfin, n’y pouvant plus tenir : — Reine, dit-il d’une voix tremblante, oserai-je… Comment… les macaronis ?…

— Étaient excellents, interrompit la reine voyant son trouble, et c’est à eux que vous devez la faveur dont je vous honore. Je ne suis pas aussi gourmande que le prétendent mes sujets, ni aussi folle que je daigne le leur paraître. L’agriculture souffrait beaucoup dans ce pays lorsque je montai sur le trône. Le blé était mauvais, les plantes étaient sans suc, les fruits sans saveur ; les vignes, presque stériles, ne donnaient qu’un vin sans chaleur : je me suis faite gourmande, et depuis ce