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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/359

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LA FÉE GRIGNOTE

souricière, ils éprouvèrent une joie délirante, une joie féroce, une joie de coupables qui triomphent !

— Au chat ! au chat ! au chat ! crièrent-ils aussitôt pour l’épouvanter : car c’est un instinct de cruauté qui nous porte à proclamer devant notre victime le nom de son ennemi ; en effet, c’est le plus cruel des outrages.

On posa la souricière sur la table, et les écoliers, s’étant mis sur leurs bancs, s’apprêtèrent à juger Grignote.

D’abord on exposa les griefs, et il y en avait beaucoup : la pauvre fée était toute tremblante. Plusieurs méchants élèves la menaçaient du poing, d’autres lui faisaient de gros yeux ; ceux-ci lui disaient mille injures ; ceux-là, gaiement cruels, lui faisaient d’ironiques compliments.

— Voyez donc, qu’elle est jolie ! disaient-ils. Pauvre prisonnière, elle me fait pitié !

Le petit ingénu, les croyant de bonne foi dans leur intérêt pour elle, et ne sachant pas encore ce que c’est que l’ironie, les prit au mot dans leur bienveillance, et joignit sa pitié sincère et naïve à leur perfide compassion.

— N’est-ce pas, dit-il, qu’elle est bien jolie ? elle ressemble à un petit lapin !

Pauvre enfant ! cet éloge lui valut encore un coup de poing…

Cependant le maître devant bientôt revenir, il fallait se hâter de forcer la souris à confesser son crime.

— Nous allons te livrer au maître, dit Louffi à la malheureuse fée ; sa femme a un chat qui fera justice de toi.

— Au chat ! au chat ! crièrent-ils encore une fois tous, jusqu’au pauvre ingénu, qui avait peur d’être battu s’il ne criait pas.

— Messieurs, dit la fée, daignez m’entendre. Je confesse que j’ai été bien coupable en attirant sur vous de grands châtiments : je ne chercherai point à m’excuser. Hélas ! je le sais trop, ce ne sont pas ceux qui souffrent de nos fautes qui peuvent leur trouver des excuses. Je reconnais les miennes, messeigneurs ; aussi n’est-ce point à votre clémence que je m’adresse, c’est à votre raison : c’est au nom de votre intérêt que je parle. Si vous m’accusez près de votre maître, il ne vous