connaissons le chien volant, nous savons que Léon n’avait pas fait la route à pied. Il était parvenu, à force d’habitude, à diriger Faraud si bien, qu’il le conduisait où il voulait, même la nuit. Léon, voyant sa mère malade, était allé le soir chercher son médecin à Paris ; et le lendemain le docteur était arrivé, et avait raconté à tout le monde que Léon, après lui avoir appris la maladie de madame de Cherville, était reparti la nuit même à pied avec son chien, sans vouloir attendre jusqu’au moment où il l’aurait ramené dans sa voiture.
De là venait que l’on croyait, dans le pays, que ce cher enfant avait, en une seule nuit, fait quatorze lieues : sept pour aller et sept pour revenir.
On racontait aussi qu’une autre fois il avait envoyé un courrier à Perpignan… à Perpignan ! dans le midi de la France ! pour donner à sa mère des nouvelles d’une de ses sœurs dont elle était fort inquiète. « Le courrier, ajoutait-on, a rapporté la lettre deux jours après. Cela a dû coûter bien de l’argent à M. Léon ; c’est cher de faire voyager les chevaux si vite ! »
Un jour, madame de Cherville entra dans la chambre de son fils : — Embrasse-moi, Léon, dit-elle ; tu vas être bien content, tu vas enfin revoir ton père ! Il m’écrit du lazaret de Toulon, où il est en quarantaine ; mais dans quinze jours il sera ici.
Léon se réjouit de tout son cœur ; il y avait trois ans que M. de Cherville était absent, et l’on comprendra combien son fils devait être heureux de le revoir ; mais ce qu’on s’imaginera difficilement, c’est l’impatience de Léon en apprenant que son père était retenu au lazaret.
Il avait supporté courageusement sa longue absence, tant que M. de Cherville était resté à Constantinople, parce que l’excès de l’éloignement lui ôtait toute espérance d’aller vers lui, et que c’est l’espérance qui tourmente ; mais il ne pouvait se faire à l’idée de le savoir si près de lui, arrivé en France, et retenu pendant quinze mortels jours, dans la plus ennuyeuse retraite.
C’était là une belle occasion de faire voyager de chien volant. Léon courut chez la princesse pour fui confier son projet. — Mon père est arrivé à Toulon, dit-il ; je veux absolument