veille. Sa reconnaissance, si longtemps contenue ou égarée, avait enfin trouvé à se placer et à s’exprimer. Elle n’avait plus peur de Robert maintenant.
Gaston était auprès d’elle ; elle l’avait paré encore plus coquettement qu’à l’ordinaire, pour le montrer à son sauveur dans toute sa beauté. Elle s’était habillée sans coquetterie et sans prétention. Ce jour-là toute sa vanité était pour son fils ; il lui semblait que c’était la meilleure manière d’exprimer sa reconnaissance que de prouver à quel point elle aimait ce charmant enfant et à quel point il méritait sa tendresse, et qu’en disant à celui qui le lui avait conservé : « Voyez comme il est beau ! comme il est adorable ! comme je l’aime ! » c’était lui dire : « Jugez alors ce que doit être pour moi l’homme courageux qui l’a sauvé !… »
Aussi quand Robert de la Fresnaye entra dans le salon, elle ne le salua point avec grâce et politesse, comme un monsieur qui fait une visite ; elle se leva et alla vers lui, en lui présentant Gaston. Robert embrassa l’enfant, qui revint vers sa mère ; alors elle prit à son tour Gaston dans ses bras, le pressa sur son cœur avec une tendresse passionnée et fondit en larmes.
— Sans vous, je n’aurais plus ce bonheur, dit-elle en embrassant encore Gaston.
Le petit espiègle, que cette sensibilité commençait à attrister et qui avait une idée fixe : aller jouer dans le jardin de M. de la Fresnaye, voir les tortues, les gazelles dont on lui avait tant parlé, demanda à Robert s’il devait toujours partir le lendemain.
— Non, répondit Robert, je ne partirai que mardi.
— Alors je pourrai aller chez vous.
— Sans doute, et je venais demander à madame votre mère la permission de vous enlever demain matin.
— Ô maman ! il faut dire oui ; ça me ferait si plaisir !… s’écria Gaston.
— M. Berthault vous le mènera, ne vous donnez pas la peine de venir le chercher.
— Qu’il vienne donc avec M. Berthault déjeuner chez moi demain à onze heures ; il trouvera là un camarade digne de lui, le fils de ma cousine madame ***.
— Oh ! quel bonheur, demain !