offense à l’amour, et l’amour ne vous pardonne point le courage que vous avez contre lui. Ce n’est pas M. de la Fresnaye qui aurait permis à Marguerite de sortir de chez elle ; il l’aurait forcée à rester avec lui ; mais il aurait été si charmant, si spirituel et si tendre, qu’elle n’aurait eu à regretter aucune mélodie.
XI.
Après avoir joué avec beaucoup de poésie et de charme plusieurs nocturnes de Chopin, madame de Kalergis venait d’achever une fantaisie très-belle, composée par elle et pour elle sur deux motifs admirables, expression suprême de la supplication… non… de l’imploration en musique, l’air de Robert le Diable : « Grâce ! grâce ! » et le grand duo du quatrième acte des Huguenots. Dans ce morceau très-remarquable, ces deux chants sublimes semblent lutter ensemble de passion et d’angoisse : ils se répondent tour à tour avec une poignante ferveur ; on dirait deux prières ardentes en rivalité ; il est impossible d’écouter ce morceau sans être ému ; et les quelques amateurs qui étaient là, encore pénétrés d’admiration, entouraient la célèbre virtuose et la remerciaient avec enthousiasme, lorsqu’une espèce de tumulte vint troubler cette joie d’artiste.
On criait dans la cour, on parlait haut dans l’escalier, on riait aux éclats dans l’antichambre. Enfin la porte du salon s’ouvrit, et l’on vit entrer presque en même temps et sans être annoncées, — on ne pouvait pas proclamer tant de noms à la fois ! — une douzaine de personnes, hommes et femmes, agitées, amusées, contrariées, chacune selon son caractère, comme des gens à qui il est arrivé quelque déconvenue plaisante et qui viennent demander un abri. Ce groupe singulier avait l’air d’une mascarade qui fait son entrée dans un bal costumé ; seulement la mascarade est plus solennelle.
Marguerite, effrayée à la vue de tout ce monde et regrettant le concert intime si fâcheusement interrompu, voulait remonter chez elle ; mais madame d’Arzac était curieuse de savoir ce qui