sonne ne cherche à se tromper. Les mères ne cachent point leur âge ; elles ne cachent point non plus celui de leurs filles : à quoi cela servirait-il ? on sait que leur fille a vingt ans. Là, personne n’étale un luxe d’emprunt, on sait votre fortune à un centime près ; là, point d’hypocrisie, point d’insolence, on sait qui vous êtes et tout ce qui vous est arrivé. Et, comme là personne n’est préoccupé de jouer un rôle ou de soutenir un mensonge, il en résulte que chacun y paraît à son avantage, avec tout son esprit, sa bonne grâce et sa bonne humeur. Vivent les bals indigènes ! ils ne sont une fatigue pour personne, pas même pour la maîtresse de la maison, qui n’a d’autre devoir à remplir que celui d’être aimable et bienveillante comme tous les jours. Demandez plutôt à madame de Choi… ou à madame de Chast… Vous étiez chez elles la semaine dernière ? — Oui ; que ces deux bals étaient charmants, : ce sont les deux plus jolies fêtes de l’année ?… — Eh bien, c’était là le bal indigène.
Il est une autre espèce de bal, non plus élégant ni plus distingué, parce que cela est impossible, mais plus merveilleux, mais plus exquis, plus quintessenciè : c’est un bal de garçon. Quelquefois celui qui le donne est marié et remarié ; mais cela ne change rien à la dénomination ; s’il n’y a point de femme pour faire les honneurs du bal, c’est un bal de garçon. Ces fêtes-là sont admirables, elles ont un cachet tout particulier ; il n’y a que de jolies femmes ; l’homme libre a le droit de supprimer les paquets ; il fait servir à cela l’indépendance de sa position. Son salon n’est plus un salon : c’est une arène où viennent combattre en champ clos les beautés de tous les pays ; c’est une lutte d’élégance, un tournoi à l’éventail, dans lequel il y a des triomphes pour toutes les combattantes, puisqu’il y a là des juges et des hérauts décidés à proclamer la victoire pour chacune d’elles. Vous le savez, à Paris, chaque quartier, chaque élégante coterie a sa reine de beauté, sa Célimène par excellence, sa femme à la mode, pour parler vulgairement. Eh bien, dans ce bal sans pareil, toutes ces majestés rivales se trouvent en présence, réunies, pour cette seule fois, dans un glorieux congrès où il s’agit de soutenir dignement les intérêts de sa renommée et l’honneur de sa coterie. Quelle émulation de parure ! quel zèle d’amabilité ! Figurez-vous un magnifique