tout le monde est malade ; on n’entend de tous côtés que gémissements. Hier, un de nos amis, vêtu d’un élégant costume d’été, protestait contre les rigueurs de ces nouveaux frimas. « Vous devez geler ? lui disait-on. — Oui. — Eh bien, il faut vous couvrir davantage ! — Non, je ne ferai pas cette concession, je ne céderai pas à un caprice de la saison, je ne serai pas lâche devant l’atmosphère. » Il parlait ainsi hier… Aujourd’hui il parlerait peut-être différemment si un superbe rhume ne lui avait ôté la voix. Faire du caractère, de l’énergie avec les humains, c’est très-bien ; mais avec les éléments, le courage civil est perdu ; vous avez beau résister aux tempêtes, elles ne vous en estiment pas davantage. Don Quichotte, qui en fait de courage était connaisseur, combattait les moulins à vent, mais le vent lui-même en personne… jamais.
Donnez donc des fêtes champêtres par cette agréable température ! Heureusement que les plus magnifiques ont eu l’instinct de profiter des beaux jours. La semaine dernière encore, nous étions dans de verts jardins, et nous voyions courir sur la prairie de charmantes jeunes filles parées de robes légères et couronnées de fleurs. Cette fête-là aussi était très-pittoresque et d’une originalité piquante ; mais cette fois il n’y avait pas moyen de se faire illusion ; on ne pouvait pas prendre ce bal fantastique pour un rêve, car il se passait en plein jour, à la clarté sincère et partant cruelle du lustre éternel vulgairement appelé soleil. On a beaucoup médit de ces bals du matin que l’on accuse d’être fort désavantageux à la beauté des femmes ; mais nous qui prétendons avoir un haut sentiment de justice, nous les défendons, nous les glorifions comme une mesure équitable, destinée à réparer bien des erreurs et à rétablir bien des droits.
Les bals du matin sont le triomphe des beautés vaporeuses, des physionomies douces, des regards naïfs. Ce sont les mères de famille qui ont inventé les bals du matin. Le soir, les belles femmes coquettes et brillantes ont trop d’avantages sur les jeunes filles ; il leur est permis de porter des parures de diamants, des flots de dentelles, et des pots de rouge quelquefois ; il leur est permis de dire mille folies, d’écouter mille propos moqueurs qui, animant leur imagination, donnent à leur teint