bonheur que j’éprouve à voir ici tous les jours ma bonne mère, je crois que plus d’une fois je regretterais (Avec un soupir.) nos compagnes (Avec un surcroît de finesse.) et, comme vous le dites, mon ennuyeux couvent.
— Mais que faisiez-vous donc de si agréable dans cette sévère retraite ?
— Oh ! ce n’était pas une retraite sévère ; nous faisions de belles promenades, de la gymnastique, nous jouions la comédie… »
Quelqu’un vient nous interrompre ; nous nous éloignons en nous écriant : « Jouer la comédie au couvent !
— Eh bien, reprend notre ami, ce ne sont pas des sous-préfets. Allez-vous encore vous fâcher ?
— Ah ! maintenant les regards expressifs, les sourires significatifs de l’aimable ingénue nous sont expliqués. Des petites filles de quatorze ans qui jouent la comédie, qui s’étudient à grimacer leurs plus naïfs sentiments !… car pour s’excuser on vous répond : Elles jouent des rôles de petites filles… Mieux vaudrait pour elles jouer des rôles de vieilles femmes, elles ne les comprendraient pas, du moins, et on ne leur apprendrait pas à exagérer leur gentillesse, à spéculer sur leur propre naïveté.
— Ah ! vous me faites perdre patience avec vos éternelles élégies. Tout vous désole, vous scandalise ! Vous devriez, mon cher, vous en aller passer l’hiver en Bretagne, chez ma vieille tante : elle a quatre-vingt-dix ans, elle radote ; vous vous entendriez à merveille avec elle. Elle a gardé tous les préjugés de son temps. Cet été, à propos des élections, elle s’étonnait des embarras et des craintes du gouvernement. « Il y a un moyen bien simple, disait-elle, d’éviter les mauvais choix. C’est le gouvernement lui-même qui distribue les cartes d’entrée, n’est-ce pas ? Eh bien, qu’il ne donne de cartes qu’aux bons électeurs ; comme cela on sera sûr d’avoir toujours des élections excellentes. » Quant à notre froideur avec l’Espagne, à nos différends avec le régent, voulez-vous savoir son avis ? Elle rit aux éclats chaque fois qu’il en est question. « Parlez-moi de cela ! s’écrie-t-elle en relevant ses lunettes en diadème sur son bonnet ; rien ne me paraît plus plaisant que cette