LETTRE DEUXIÈME.
Oh ! nous en triompherons ! il ne sera pas dit que nous les laisserons en paix s’établir dans le pays de l’intelligence et du goût. En vain ils sont menaçants et superbes, nous abattrons leur orgueil ; leur arrogance ne parlera pas plus haut que notre indignation : contre eux nous serons terrible, dussions-nous pour les détruire épuiser tout notre arsenal ; nous les combattrons en vers et en prose, sournoisement et publiquement ; nous les dénoncerons à l’opinion publique, et nous aussi nous crierons pour nous encourager : « La France entière nous écoute, l’Europe attentive nous contemple ! » et comme nous aurons pour nous le droit, la pureté de nos intentions, la conscience de notre désintéressement, nous triompherons.
— Et de qui ?… de vos ennemis ?… Vous les avez toujours dédaigneusement respectés ; quelle idée vous prend aujourd’hui de les combattre ?
— Nous, combattre nos ennemis ?… Non vraiment ; nous aurions trop grand’peur de les vaincre, et ce serait dommage ; jamais nous n’en trouverions de meilleurs. Ils possèdent toutes les qualités désirables ; nous les aurions fait faire exprès, nous les aurions commandés pour nous, en donnant nous-même les dessins et les modèles, qu’on ne les aurait pas confectionnés plus à notre goût. Ils sont inconnus, par conséquent impuissants ; ils sont sans esprit, par conséquent sans écho ; ils sont grossiers, ce qui nous dispense de leur répondre ; ils sont de mauvaise foi, ce qui leur ôte tout crédit ; de plus, ils sont acharnés, ce qui les rend fort ennuyeux ; car être acharné sans esprit, c’est rabâcher des bêtises. Or les écrivains ennuyeux ne sont jamais dangereux. Excellents ennemis !… Oh ! non, nous ne voulons pas vous combattre ! Ceux que nous voulons anéantir à tout prix, ce sont ces intrus qui usurpent dans le monde une place honorable, qui se pavanent dans nos salons avec une insolente fatuité ; qui, par leur extravagance, com-