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LETTRES PARISIENNES (1840).

notre devoir est de raconter ses plaisirs. Les Rayons et les Ombres dépassent en grandeur et en harmonie les plus beaux chants des Feuilles d’automne. Il y a dans tout ce recueil une élévation de pensées, une douceur de sentiment, une supériorité de bienveillance, un calme majestueux qui contrastent superbement avec ces petites passions mauvaises, ces haines mesquines, ces jalousies d’enfants ou plutôt de vieillards gâtés dont l’auteur de ces chants vient d’être l’objet. Ce recueil est une réponse royale aux injustices de l’Académie.

Dans les Rayons et les Ombres, tout est modèle, tout est beau. Il faut lire les vers qui terminent le volume et qui sont adressés à mademoiselle Louise Berlin. La musique d’Esméralda nous avait déjà fait connaître une femme de talent ; les vers de Victor Hugo nous révèlent une femme supérieure.


LETTRE SEIZIÈME.

Les paquets. — Bal du matin à l’ambassade d’Autriche. — Les coquettes n’ont jamais froid. — Le Livre de l’enfance chrétienne.
24 mai 1840.

Paris, depuis que le printemps est revenu, fait semblant de se reposer ; mais, en réalité, il s’amuse plus encore qu’il ne faisait cet hiver. Les parties de spectacle succèdent aux parties de campagne, les courses du matin préludent aux danses du soir ; dans le monde élégant on continue à se dire adieu en dansant toutes sortes de mazurkas ; les bals intimes sont plus à la mode que jamais ; on a même trouvé un moyen de les perfectionner : on n’invite plus à y venir les ennuyeux ni les ennuyeuses, ce qu’en langage vulgaire on nomme les paquets (nous donnerons plus loin l’explication de ce mot). Donc, on les supprime ; on s’arrange de manière à les croire partis depuis huit jours. On pousse la ruse jusqu’à les regretter hautement, et lorsqu’on les rencontre, on s’écrie avec un étonnement naïf : « Quoi ! vous êtes encore à Paris !… Si j’avais su cela… Vous m’aviez dit… — Que nous partirions le mois prochain. — J’avais entendu dimanche prochain… Que de