de vague et de découragement, il faut souvent qu’une image sainte, un souvenir sacré, viennent nous assister ; quand notre pensée se trouble, c’est par les yeux que la raison nous revient, et nous confessons d’autant plus facilement cette faiblesse, que nous l’avons observée chez plusieurs esprits d’une grande supériorité. Une femme célèbre par son courage nous racontait qu’un jour elle avait été sauvée d’une mort terrible et coupable par un hasard plaisant. Elle venait d’apprendre une affreuse nouvelle, elle éprouvait un de ces désespoirs sans bornes qui vous montrent un avenir sans refuge ; dans le vertige de la douleur, elle résolut de mourir : car la mort, pour elle, c’était la fuite ; fermer éternellement les yeux, c’était ne plus voir l’horizon menaçant. « J’étais folle, nous disait-elle ; j’avais tout oublié, je n’étais plus capable que d’un seul calcul, je pensais avec joie que je demeurais au second étage, au-dessus d’un appartement très-élevé, et qu’en me jetant par la fenêtre, ma chute serait mortelle ; et je courus vers la fenêtre…. Mais, pour l’ouvrir, il fallait détourner un cheval de bois, un cheval à bascule : c’était le joujou de mon fils. En le voyant, je m’arrêtai subitement ; un poignant remords me serra le cœur. Que vous dirai-je ? je n’eus pas le courage de détourner ce cheval et d’ouvrir la fenêtre ; je tombai à genoux et je m’évanouis ; on me releva au pied du cheval, dont la crinière était toute baignée de mes larmes… »
Sauvée de la mort par un joujou, c’est absurde ! Riez donc, philosophes !
Un jeune homme d’une grande famille nous racontait aussi comment un soir il avait été sauvé d’une mauvaise action par un hasard. C’était à la campagne, dans le vieux château de son père. Entraîné par le plus perfide des conseillers, la jalousie, il venait d’écrire une de ces lettres chargées à mitraille qui doivent infailliblement causer d’horribles catastrophes, une de ces lettres anonymes d’autant plus dangereuses qu’elles sont signées. Pour envoyer cette lettre, il fallait faire partir un homme à cheval : le jeune furieux sonne avec violence, la sonnette se casse ; il appelle, on ne l’entend pas ; alors il prend la lumière qui lui avait servi à cacheter son odieux écrit, et il se dispose à descendre dans la cour pour