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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/305

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LETTRES PARISIENNES (1844).

Alors on annonça M. de Balzac ; il venait nous faire ses adieux. Il a été pendant un mois sérieusement malade ; maintenant il est rétabli ; mais son médecin lui ordonne de voyager, c’est une manière ingénieuse de lui défendre de travailler. Des auteurs malades pour avoir trop travaillé !… On ne voyait pas ces phénomènes-là du temps de Louis XIV ; mais aujourd’hui qui donc s’occupe des hommes de talent ? Les critiques qui les envient, les journalistes qui les exploitent et les vaudevillistes qui les pillent ! on ne peut pourtant pas appeler ces gens-là de véritables amis des lettres. Le besoin d’un Louis XIV, ou d’un Auguste, ou même d’un simple Mécène, se fait généralement sentir. Nous oublions notre voyageur de province, revenons à lui. La vue de M. de Balzac le transporta de joie ; il était charmé de cette rencontre, et grâce à nos deux amis célèbres, nous commencions à lui paraître un peu moins ridicule et un peu plus Parisien. Ce fut bien autre chose, vraiment, quand on annonça M. Victor Hugo ; cette joie devint du délire, il ouvrit de grands yeux, il contempla l’illustre poëte avec une curiosité frémissante dont la panthère noire, la manufacture des Gobelins, la manufacture de Sèvres, l’arc de l’Étoile et la colonne Vendôme auraient pu être jaloux ; les monuments qui vivent valent bien les monuments qui racontent ; les laboratoires de la pensée valent bien les usines de l’industrie… « Quelle heureuse rencontre ! nous dit tout bas le touriste émerveillé, pendant que nos amis causaient entre eux. Justement, hier, nous vîmes M. de Lamartine à la Chambre des députés, et nous nous demandâmes, Tupinièresz-et moi, comment nous pourrions parvenir jusqu’à M. Victor Hugo ; nous formâmes ensemble le projet de nous faire présenter à lui, mais je craignais bien d’être obligé de partir sans pouvoir l’effectuer. Tupinières va être désolé. Ah ! je comprends maintenant pourquoi vous ne sortez jamais. — Vous comprenez qu’on n’est pas encore tout à fait provincial quand on a chez soi l’auteur des Scènes de la vie parisienne, l’auteur des Mystères de Paris, l’auteur de Notre-Dame de Paris… Il y a plusieurs manières d’être Parisien. — Et je crois que vous choisîtes la bonne. » Il dit ce mot avec beaucoup de grâce ; mais nous tenions à le confondre, et, pour