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Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/313

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LETTRES PARISIENNES (1844).

Pendant que vous êtes absorbé dans la contemplation de cette machine, un objet étrange appelle votre attention : un monsieur fort bien mis, d’une tournure parfaitement distinguée, que l’on reconnaît tout de suite pour un homme de bonne compagnie, est vis-à-vis de vous, occupé à danser très-sérieusement sur des fourneaux ; plusieurs personnes le contemplent avec un vif intérêt. Que fait-il donc, ce monsieur, et pourquoi, avec cet aspect grave et digne, se comporte-t-il comme un acrobate ? — Il démontre la solidité des plaques de ses nouveaux fourneaux vraiment fort ingénieux, et il vous prouve que rien ne peut rompre leurs ressorts, puisque son poids tout entier ne peut même les faire fléchir. N’importe, ces exercices ne sont pas naturels et vous croyez toujours rêver. Quand on a le délire, on voit souvent aussi danser devant soi des gens tristes qui vous font toutes sortes de grimaces ; vous persistez à dire que ces merveilles de l’industrie ressemblent beaucoup aux hallucinations de la fièvre.

Vous désirez savoir l’heure, vous regardez une pendule. Un petit Turc, vêtu d’une veste rouge et coiffé d’un turban blanc, vous regarde d’un air moqueur ; il fait trois fois la culbute, cela veut dire qu’il est trois heures, et il faut encore que vous trouviez cela tout simple !

À quelques pas de là, un petit homme armé d’un balai semble vous attendre au passage ; il baisse la tête d’un air sombre et se cache sous un chapeau monumental, de forme haute et à larges bords. Ce petit homme a la figure verte, son chapeau est vert, son habit est vert, son balai est vert ; il a près de lui une vilaine petite compagne qui est verte aussi, qui a des cheveux verts tout ébouriffés. L’horrible ménage ! Qui sont ces gens-là ? C’est monsieur et madame Pipelet… en angélique. Eh bien ! nous sommes jaloux, on nous a fait en sucre de pommes, on nous a fait en chocolat, on ne nous a jamais fait en angélique ! Célébrité, tu n’es qu’un vain nom !

Ainsi, pendant plusieurs heures, vous parcourez ces vastes galeries, toujours étonné, toujours consterné ; et, pendant ces longues promenades, un ennemi acharné, impassible, mais implacable, vous poursuit en silence. Il est armé d’un entonnoir rempli d’eau, et sans vous regarder, sans paraître vous