LETTRE SEIZIÈME.
Nous le disions l’autre jour avec un sincère effroi, l’ère d’hébétement a commencé pour le peuple le plus spirituel de l’univers ; nous accusions le tabac de cette triste décadence, mais il faut être juste avant tout, le cigare n’est pas seul coupable : l’intelligence a un autre ennemi en France qu’il faut encore signaler, un ennemi d’autant plus dangereux qu’il ressemble à un ami, d’autant plus puissant qu’il est de bonne foi, faisant le mal avec d’autant plus d’ardeur qu’il s’imagine faire le bien ; il veut être charitable, et il est funeste ; il veut vous secourir, et il vous tue ; c’est une vipère qui se croit une sangsue, et vous donne la mort avec toute la loyauté, l’audacieux courage, l’orgueilleux aplomb d’un libérateur qui viendrait vous sauver la vie.
Cet ennemi bienveillant, ce bourreau sans le savoir, qui détruit avec des soins si touchants l’intelligence dans le pays même de l’intelligence, c’est l’éducation.
N’allez pas supposer qu’en disant cela, nous voulions chercher querelle à messieurs de l’Université ; nous n’y pensons nullement ; l’esprit n’a rien de commun avec l’Université : ceci n’est pas une épigramme. À l’âge où l’enfant entre au collège, il est déjà trop tard pour faire de lui un homme d’esprit ; nous n’accusons donc point les professeurs. Nous accusons les mères de famille, les bonnes mères surtout, car ce sont les bonnes mères qui font les mauvaises éducations… Criez, criez bien fort ! mais c’est la vérité.
Les bonnes mères ne font que de petits messieurs. Hélas ! les mauvaises mères font quelquefois les grands hommes. Les véritables mères font les hommes.
L’amour maternel est le plus beau de tous les amours ; mais dans ce pays des abus, où les plus saintes choses deviennent bientôt des modes qu’on exagère, l’amour maternel lui-même